Il est plutôt rare que des films soient réalisés sur des personnages politiques toujours en activité. En 2008, l'Américain Oliver Stone avait produit un film dans lequel il traçait le portrait du président George W. Bush.
De son côté, le Français Xavier Durringer s'est lancé dans la même aventure avec la réalisation du film "La Conquête" portant sur l'ascension au pouvoir de Nicolas Sarkozy, l'actuel président français. Je l'ai regardé hier soir et je vous en propose un bref compte-rendu.
D'emblée, je peux vous dire que "La Conquête" est un bon film. L'acteur qui incarne Nicolas Sarkozy, Denis Podalydès, livre une performance magistrale et on a aucune peine à croire à son personnage. Les incarnations de Jacques Chirac (le président de 1995 à 2007) et de Dominique de Villepin (ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2004) sont elles aussi convaincantes.
Les dialogues entre les hommes politiques sont croustillants et les expressions, du point de vue d'un Québécois, très rigolotes, quoiqu'assez dures parfois. Dominique de Villepin dit ainsi de son adversaire Sarkozy qu'il va "le baiser avec du gravier". Sarkozy lance pour sa part à Villepin un horrible "je le pendrai à un crochet de boucher". Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces phrases ont bel et bien été prononcées dans la vie réelle! Afin d'éviter toute accusation de diffamation, plusieurs avocats se sont joints à l'équipe des réalisateurs du film pour s'assurer que leurs sources étaient solides. Cela rend d'ailleurs le film intéressant, car il se rapproche parfois du documentaire et permet d'en apprendre un peu plus sur la politique française.
Un film pour féru de politique?
Il n'est pas nécessaire d'être un grand amateur de politique pour suivre le déroulement du film. Pour l'essentiel, il s'agit de l'histoire d'un homme qui est prêt à tout pour accéder à la présidence française, quitte à perdre sa femme Cécilia en cours de route. La trame narrative est donc relativement simple.
Toutefois, une connaissance minimale de la politique française facilite la compréhension de certaines parties du film. La tentative de Dominique de Villepin de salir son adversaire Sarkozy en fabricant des preuves l'incriminant de corruption - la fameuse affaire Clearstream - est ainsi plus ou moins bien expliquée dans le film. Le "non" français lors du référendum sur la Constitution de l'Europe - et l'échec de Chirac à cet égard - est aussi abordé en toile de fond, mais sans réelle mise en contexte. Il est clair qu'en étant familier avec ces questions, il devient possible d'apprécier certaines subtilités.
Mais ce qui ressort surtout du film de Durringer, c'est l'incroyable détermination de Nicolas Sarkozy à accéder à la présidence française. On apprend à connaître un homme à l'égo démesuré et qui est prêt à tout pour obtenir le pouvoir. On nous présente Sarkozy comme une bête politique qui, par la seule force de sa volonté, réussit à obtenir ce qu'il a toujours souhaité.
Ce portrait de l'homme est certainement légitime. Mais j'aurais aimé qu'on montre comment certaines personnes, notamment dans le milieu des affaires, ont rendu possible la "Conquête" du pouvoir par Sarkozy. Rappelez-vous qu'en 2008, le président français a reçu l'homme d'affaires canadien Paul Desmarais à l'Élysée, afin de lui remettre la Légion d'honneur. Au cours de la cérémonie, Sarkozy a affirmé que " Si je suis aujourd'hui président, je le dois en partie aux conseils, à l'amitié et à la fidélité de Paul Desmarais." Il aurait pu ajouter: à son portefeuille!
On sait tous que Paul Desmarais et Power Corporation ont été d'importants contributeurs à la campagne présidentielle de Sarkozy. Lors de la célébration de sa victoire électorale au restaurant Fouquet's, Paul Desmarais était un des seuls convives étrangers et c'est lui qui aurait ramassé l'addition! Sarkozy s'est aussi plusieurs fois rendu au domaine des Desmarais, dans la région de Charlevoix au Québec. Ces rapprochements n'ont pas été en vain, puisque la privatisation de Gaz de France par Sarkozy en 2008 a principalement bénéficié au groupe d'affaires des Desmarais.
La volonté peut certainement aider à faire bien des choses en politique. Mais il ne faudrait pas non plus nous faire croire qu'on peut se passer d'un outil bien plus puissant: l'argent.
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