Le député du NPD de la circonscription Longueuil-Pierre Boucher, Pierre Nantel, était de passage hier au Collège Édouard-Montpetit pour y donner une conférence. Je l'ai écouté de manière attentive, car comme plusieurs d'entre-nous, je ne connais pas beaucoup les nouveaux visages du NPD et je souhaitais les découvrir.
Disons-le d'emblée: sur le plan de la communication, de l'image et de la prestance, M. Nantel n'a rien d'un "poteau". Il s'exprime de manière éloquente (quoiqu'en utilisant un peu trop d'anglicismes à mon goût), avec humour, voire une certaine candeur rafraîchissante. Son expérience professionnelle dans le domaine des communications - il a été directeur artistique dans le domaine musicale et chroniqueur à TVA et Radio-Canada - transparaît clairement dans son attitude.
C'est justement sur la question des "poteaux" que M. Nantel s'est d'abord exprimé, en refusant qu'on appose cet étiquette aux jeunes députés du NPD qui n'ont aucune expérience politique. Pour lui, tous les candidats du NPD avaient le goût de faire de la politique et manifestaient un vif intérêt pour la chose publique. Ne serait-ce que pour cela, ces personnes méritent d'avoir la chance de représenter leurs concitoyens. Il a aussi rappelé une boutade de Jack Layton à ce propos: " Si ces jeunes là peuvent aller se faire tirer en Afghanistan, pourquoi ne pourraient-ils pas être députés?" avait affirmé Layton sur le plateau de "Tout le monde en parle". Ces paroles frôlent certainement la démagogie, mais elles ne sont pas dénuées de fondement. Une chose est sûre, on sentait que Nantel pouvait se porter efficacement à la défense de sa nouvelle équipe.
Nantel a par ailleurs été assez clair sur les enjeux les plus criants de sa circonscription. Une de ses priorités concerne la construction de logements sociaux et la lutte à l'itinérance. Il rappelait que la circonscription de Longueuil-Pierre-Boucher en est une où il y de nombreuses inégalités et il faut à son avis remédier à cette situation. Il a aussi évoqué le projet de donner un accès plus étendu aux rivages, et celui de remédier à la pollution des berges du St-Laurent. La question des transport est aussi au coeur de ses priorités, notamment l'augmentation du nombre de voies réservées, l'amélioration du service des trains de banlieue et l'utilisation plus étendue du télétravail par les entreprises. Il a enfin décrié - avec raison - le silence et l'inactivité des conservateurs en ce qui concerne le dossier du pont Champlain.
Sur le plan des enjeux nationaux, Nantel a été précis sur un point: il n'est pas en faveur d'une fusion entre le PLC et le NPD. D'une part, il ne voit pas l'utilité de s'allier avec un parti qui est sur une pente descendante, alors que le NPD est sur une lancée qui lui permet ni plus ni moins d'espérer prendre le pouvoir aux prochaines élections (et oui, la candeur rafraîchissante!). Il estime enfin qu'une alliance avec Bob Rae, l'ancien néodémocrate qui a trahi son équipe pour se joindre aux libéraux, serait mal perçue et difficile à accepter pour plusieurs anciens du caucus.
Là où les propos de M. Nantel étaient moins clairs, voire incohérents, c'est sur les rapports du
NPD avec les partis provinciaux du Québec et sur la question de la souveraineté.
Pour lui, l'allié naturel du NPD au Québec serait le Parti québécois (il a admis avoir voté pour Bernard Drainville aux dernières élections), et non Québec Solidaire comme plusieurs pourraient logiquement le croire. Il n'a pas développé sur les raisons de cet appui au PQ, mais il s'est dit inconfortable avec l'attitude dogmatique de certains des membres de Québec Solidaire et mal à l'aise avec la position trop clairement (?!?) souverainiste de son programme. Il disait aussi souhaiter que le débat sur la souveraineté ne soit plus monopolisé par les partis politiques et qu'il redevienne un véritable enjeu citoyen.
Nantel affichait sur ce point une méconnaissance flagrante des programmes respectifs du Parti québécois et de Québec Solidaire. S'il y a bien un parti clairement souverainiste au Québec, c'est le Parti québécois. L'article 1 du programme affirme que la souveraineté est le premier objectif du parti et il propose la tenue d'un référendum pour y parvenir. Or, Québec Solidaire propose plutôt de tenir, avant tout référendum, une assemblée constituante qui aurait comme mandat de rédiger une constitution québécoise et de consulter la population sur son avenir politique. À la suite de cette assemblée de consultation - et sur la base des propositions qui en découleraient - Québec Solidaire tiendrait alors son référendum pour que la population y entérine la démarche.
Lorsque je lui ai fait remarquer que la démarche de Québec Solidaire est donc beacoup plus à l'écoute du citoyen que celle du PQ, Nantel a avoué qu'il ne connaissait pas cette proposition de QS! J'admire encore une fois la candeur de cette réponse, mais c'est justement là que le bât blesse.
D'abord, il me semble impératif qu'un député - qui se dit lui-même nationaliste - connaisse cette différence importante entre ces deux démarches. Ensuite, M. Nantel était clairement inconfortable à chaque fois qu'il abordait la question de la souveraineté. Il dit avoir été un sympathisant du Bloc québécois, mais croire dorénavant que la question nationale se règlera au Québec, entre Québécois. Ici, je ne crois pas qu'il se rappelait que son parti a appuyé la loi sur la clarté référendaire en 2000, qui permet à la Chambre des communes à Ottawa d'imposer au Québec les modalités d'une question référendaire sur la souveraineté. Il a aussi mentionné que le contexte économique actuel ne rendait plus la souveraineté possible. Enfin, il estime qu'il y de l'espace pour parler au nom des intérêts du Québec dans un parti fédéraliste social-démocrate. Espérons-le.
Mais la difficulté qu'a Pierre Nantel et qu'auront tous les députés québécois du NPD, c'est de concilier des positions nationalistes dans un parti résolument centralisateur et qui a désespérement besoin d'appuis hors-Québec pour éventuellement prendre le pouvoir. Par exemple, ce n'est pas en appuyant la garantie de prêt donné par le gouvernement conservateur à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse dans le projet du barrage hydroélectrique du Bas-Churchill, que le NPD défend efficacement les intérêts du Québec. Jamais le Québec n'a pu bénéficier de telles garanties! Souhaitant faire des gains de sièges à Terre-Neuve, Jack Layton et le NPD n'avaient pas hésité à prendre cette position à la veille des dernières élections fédérales. On sait aussi que le bilinguisme au sein de NPD laisse parfois à désirer. Un récent article du Devoir rappelait que le:
Le parti de Jack Layton impose en effet le bilinguisme comme condition d'embauche à toute personne souhaitant travailler à Ottawa pour un de ses députés du Québec, mais il n'exige pas la maîtrise du français chez ceux qui travaillent pour les députés hors Québec.
Je veux bien donner une chance au NPD dans les prochaines années, mais il faudra, sur des dossiers comme ceux-là, que le parti réajuste le tire. En ce qui concerne M. Nantel, je ne peux que lui souhaiter une belle carrière politique.
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