Une publicité gouvernementale circule depuis quelques jours (semaines?) dans les médias. Elle vise à présenter le plan d'action économique des conservateurs fédéraux. La voici:
Je n'ai pu m'empêcher de pouffer de rire tellement cette publicité est grossière. Bien sûr, les conservateurs nous ont habitués à des discours démagogiques teintés de demi-vérités et d'arrogance. Comme je l'ai déjà écrit sur ce blogue, les conservateurs gouvernent depuis six ans en méprisant les institutions parlementaires. Le plus récent exemple est le dépôt d'un immense projet de loi budgétaire (omnibus) dans lequel trop de réformes sont présentées à la fois, le but étant de forcer les députés à tout adopter en bloc, sans qu'ils puissent modifier quoi que ce soit.
Dans cette publicité, les conservateurs tentent de nous faire croire qu'ils ont un plan d'action efficace en matière d'environnement. Or, s'il y a un domaine où le bilan des conservateurs est catastrophique, c'est bien en matière d'environnement. Quelques rappels:
- Les conservateurs ont refusé de renouveler le protocole de Kyoto dernièrement à Durban, allant même jusqu'à le qualifier de complot socialiste.
- Malgré son retrait de Kyoto, le gouvernement conservateur avait pris des engagements de réduction de gaz à effet de serre (moins ambitieux et surtout non-contraignants) à Copenhague, en 2009. Le commissaire à l'environnement a blâmé le gouvernement dans ce dossier, car il a été incapable de respecter ses propres cibles.
- Les processus d'évaluation environnementale des grand projets (miniers, routiers, nucléaires...) sont dorénavant confiés au ministère des Ressources naturelles (et non à l'Environnement). Il sera dorénavant possible d'imposer de plus lourdes amendes aux entrepreneurs polluants (la pub met l'accent là-dessus), mais la participation des groupes écologistes aux audiences publiques entourant ces projets sera limitée.
On le voit assez clairement. Les conservateurs ne font pas de l'environnement une priorité. Mais ils sont assez efficaces dans leurs efforts pour prendre des vessies pour des lanternes!
J'ai toujours adoré la littérature déjantée, dans laquelle l'auteur met en scène un personnage éclaté et poussé à l'excès. J'ai donc adoré les bouquins de Henry Miller, Charles Bukowski ou encore Bret Easton Ellis. Dans la même veine, j'ai récemment découvert Chuck Palahniuk, sur lequel j'ai d'ailleurs déjà écrit sur ce blogue. Dans Choke, Palahniuk raconte l'histoire d'un dépendant sexuel qui a une mère folle avec laquelle il tente de comprendre son enfance et son identité. La relation tordue qu'il a eu avec elle le pousse à avoir une conception très particulière - et choquante - des femmes. En voici une idée:
"Je veux dire par là, dans un monde sans Dieu, est-ce que ce ne sont pas les mères le nouveau dieu? La dernière position sacrée inexpugnable. La maternité n'est-elle pas le dernier miracle magique? Mais un miracle qui est inaccessible aux hommes.
Et peut-être bien que les hommes ont beau déclarer qu'ils sont heureux de ne donner naissance à personne, toute cette douleur et tout ce sang, mais c'est uniquement par dépit, comme les raisons verts de la fable, tellement c'est inaccessible. Il est sûr et certain que les hommes sont incapables de faire rien qui approcherait un tant soit peu quelque chose d'aussi incroyable. Torse puissant, pensée abstraite, phallus - tous les avantages dont les hommes paraissent jouir ne sont que des joujoux, rien d'autre. De la roupie de sansonnet. Vous ne pouvez même pas enfoncer un clou avec votre phallus.
Les femmes sont déjà nées tellement en avance sur le plan des capacités. Le jour où les hommes pourront donner naissance, c'est à ce moment là que nous pourrons commencer à parler d'égalité des droits."
Les feuilles se colorent, l’air est frais et il
s’embaume de l’odeur de la terre humide et des feuilles mortes. C’est
décidément l’automne; nous allons peut-être redevenir profonds.
Je n’ai en effet jamais compris pourquoi l’été
est souvent considéré comme la saison des lectures légères alors qu’il devrait
être la saison des œuvres volumineuses et denses. Pourquoi l’été devrait-il
être uniquement consacré à la chick lit,
à des romans mélodramatiques ou à des recueils de nouvelles alors que nous
avons tout le temps voulu pour lire et réfléchir ? Nous avons, pour la plupart,
au moins quelques semaines de vacances et l’actualité est peu palpitante et
totalement dépourvue de surprises : pendant une bonne partie de l’été 2012, la
grande question fut de savoir quand auraient lieu les prochaines élections au
Québec, on l’a finalement su et les journalistes n’avaient soudainement plus
rien à dire.
J’ai donc mis à profit ce temps de repos pour
lire le dernier roman de l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, Le Rêve du Celte, portant sur
l’aventurier et révolutionnaire irlandais Roger Casement (1864-1916). Après La Fête au Bouc et Le Paradis – un peu plus loin, c’est le troisième roman de Lllosa
consacré à des figures politiques, et lui-même a tenté sa chance en politique
en se présentant à l’élection présidentielle péruvienne de 1990, mais fut battu
par Alberto Fujimori, à l’époque très peu connu.
Roger Casement est très tôt attiré par
l’aventure et les voyages; il admire entre autres héros le journaliste et
explorateur britannique John Stanley qui commanda plusieurs expéditions en
Afrique. Pétri des idéaux colonialistes anglais, Casement va contribuer à
l’édification de l’État indépendant du Congo, qui n’a d’indépendant que le nom,
au profit du roi des Belges Léopold II. L’admiration de Casement pour
l’entreprise coloniale est telle que, avant son départ pour le Congo, son oncle
Edward remarque qu’il fait ses préparatifs de voyage« comme ces croisés qui au Moyen Âge partaient pour l’Orient libérer
Jérusalem. »Casement mettra environ huit ans
avant de perdre toutes ses illusions envers le projet de Léopold II qui a comme
but officiel de propager la foi chrétienne et de combattre l’esclavage que
subissent les tribus africaines du Congo au profit des trafiquants d’esclaves
de Zanzibar. En vérité, les Belges sont au Congo surtout pour une chose :
exploiter le caoutchouc, cet or noir nécessaire, entre autres, à la fabrication
des pneus.
Les tribus indigènes présentes au Congo constituaient
une main d’œuvre à bon marché pour les compagnies caoutchoutières; Casement
s’en rendit pleinement compte lors de son voyage au Congo en 1903, voyage qui
changea profondément sa vision du monde et le détermina à combattre le colonialisme
dont il avait pourtant été auparavant un ardent défenseur. Le rapport qu’il
rédigea en tant que consul de la Couronne britannique fut dévastateur :
Casement démontra hors de tout doute que les compagnies caoutchoutières étaient
coupables de crimes contre l’humanité au Congo. Viols, tortures et assassinats
contre les tribus africaines, auxquelles on demande d’aider les Blancs dans
leur exploitation des arbres caoutchoutiers, sont fréquents et ils demeurent dans
la très grande majorité des cas impunis. C’est lors de ce voyage « au cœur des
ténèbres » - l’expression est de l’écrivain Joseph Conrad que Casement rencontra
au Congo - que prend racine le nationalisme irlandais de Casement, qui était
auparavant un fier sujet de Sa Majesté. Il estime que la Grande-Bretagne a
imposé à sa chère Eire une langue et une culture qui ne sont pas la sienne;
certes la situation des Irlandais est plus enviable que celle des Africains du
Congo, mais ils n’en demeurent pas moins des êtres colonisés.
Cependant, Casement attendit encore quelques
années avant de prêcher une révolte contre la présence de la Couronne
britannique en Irlande, le temps pour lui de mener à bien une dernière campagne
contre une importante compagnie caoutchoutière, la Peruvian Amazon Compagny de
José Arana qui exploite tant et si bien les indigènes du Putumayo que ceux-ci
sont en voie d’extinction. Le travail humanitaire de Casement lui valut les éloges
de la presse britannique et de nombreuses sociétés anti-esclavagistes; le roi
George Vl’anoblit en 1911 en
reconnaissance de son œuvre exemplaire à titre de consul de la Grande-Bretagne.
Mais ironiquement c’est précisément au moment où la Couronne britannique le
couvre d’honneurs et d’éloges que Casement décida de se joindre à des groupes
nationalistes radicaux dont le but premier était l’indépendance de l’Irlande.
Le grand médite de Llosa est celui de ne pas
avoir succombé à la tentation d’écrire une hagiographie et, en parallèle au
travail humanitaire de son héros, l’auteur nous dévoile des bribes du journal
intime de Casement; celui-ci est truffé de descriptions d’aventures réelles ou
imaginaires de Casement avec les jeunes garçons qu’il a rencontrés dans ses voyages
au Congo et en Amazonie. L’auteur utilise abondamment la technique du
contrepoint et il fait habilement alterner les chapitres consacrés aux voyages
et au militantisme de Casement avec les chapitres décrivant les derniers
moments de son héros à la prison de Pentonville où il est enfermé après avoir
été reconnu coupable de haute trahison; les allers-retours continuels et
contrastés entre le passé héroïque de Casement et sa situation pitoyable en
prison mettent en relief les derniers jours tragiques de Casement alors qu’il
est abandonné par plusieurs de ses plus chers amis qui le considèrent comme un
traître et un pédophile.
Ce roman est une réussite, peut-être pas une
réussite aussi éclatante que celle de La
Tante Julia et le scribouillard, mais une réussite tout de même. Le brio de
Llosa est d’avoir éclairé la personnalité complexe et torturée de Casement dont
l’existence alterna entre l’ascèse et de brefs moments de sexualité débridée,
et qui voua une grande admiration pour la Grande-Bretagne dans sa jeunesse pour
ensuite la considérer comme une force oppressive dont l’Irlande devait se
débarrasser. Après avoir suivi le parcours de Casement, la citation de José
Enrique Rodó qui ouvre le roman de Llosa prend tout son sens : « Chacun de
nous est, successivement, non pas un, mais plusieurs. Et ces personnalités
successives, qui émergent les unes des autres, présentent le plus souvent entre
elles les contrastes les plus étranges et les plus saisissants. »
Barack Obama a-t-il déçu durant son premier mandat au pouvoir? C'est la question que plusieurs se posent à un mois de l'élection présidentielle de novembre.
Si la réponse ne fait pas de doute - oui, il a été décevant - les raisons pour expliquer cette déception sont plus difficiles à cerner. Deux me viennent spontanément à l'esprit.
Conjoncture et culture politique américaine
Lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2008, l'engouement autour de sa personnalité charismatique était impressionnant. Ses qualités de tribun, sa jeunesse et la couleur de sa peau avaient tout pour susciter les passions. Ajoutons à cela une course aux primaires démocrates parmi les plus longues de l'histoire politique américaine et dont le résultat ne pouvait être qu'une première: une femme (Hillary Clinton) ou un noir allait devenir candidat à la présidence.
Pour gagner l'élection contre son adversaire républicain John McCain, Obama avait su utiliser mieux que quiconque les nouvelles technologies de l'information. Il pouvait aussi compter sur la mobilisation hors-pair de sa base militante, de même que sur une cagnotte impressionnante: sa campagne de 2008 étant en effet devenue la plus dispendieuse de l'histoire américaine. Une fois la bataille contre McCain gagnée, Obama s'installait à la Maison Blanche dans un contexte difficile à plusieurs égards (crise économique, guerre en Irak, guerre en Afghanistan), mais favorable à d'autres puisque l'écoeurement à l'endroit de son prédécesseur George W. Bush était élevé.
En bon politicien, Obama avait tenté d'exploiter au mieux les difficultés liées à la conjoncture économique particulière de 2008, en misant sur des slogans comme "Yes we can" ou "Change we can believe in". Bien souvent, une crise (politique, économique, sociale) peut en effet devenir un élément positif dans le parcours d'un leader. Elle lui permet de jouer plus facilement la carte du rassembleur. Elle lui permet aussi de tabler sur le sentiment de découragement, voire de désespoir des électeurs. Plusieurs présidents ont acquis leur grandeur de cette manière: pensons à Abraham Lincoln avec la Guerre de Sécession, ou encore à Franklin D. Roosevelt et la crise économique de 1929.
Mais en 2008, la "balloune" d'espoirs gonflée par Obama était devenue tellement grosse qu'elle risquait à tout moment de lui éclater au visage. Aujourd'hui, nous en sommes-là. En 2008, Obama a fait une série de promesses qu'il a eu de la difficulté à remplir par la suite et on lui reproche donc son faible bilan.
Ce qui nous mène à un des paradoxes frappants de la culture politique américaine.
D'un côté, l'électeur moyen se méfie de l'élite politique et de toute intervention exagérée des autorités publiques dans sa vie. La culture du "self made-men" et du bon père de famille qui doit veiller sur ses proches par lui-même (pensons au 2e amendement de la Constitution) est toujours très forte aux États-Unis.
De l'autre, il semble que jamais dans l'histoire américaine n'a-t-on autant attendu et espéré de la part d'un président. J'ai parfois l'impression que les électeurs américains exigent l'impossible de leur chef d'État. Celui-ci devrait donc être en mesure de résoudre une crise économique de nature mondiale sur laquelle il a, somme toute, peu de contrôle. Il devrait être celui qui préserve le statut de superpuissance des États-Unis.
On oublie que même les grands présidents doivent leurs succès à une part d'impondérables (ce que Machiavel appelle la fortune). Ainsi, il n'est pas faux de prétendre que c'est le New Deal de Roosevelt (ce vaste de plans de réformes interventionnistes mis en place dans les années 1930) qui a contribué à résoudre la crise de 1929. Au final, c'est toutefois la Seconde Guerre mondiale qui a agit à la manière d'un électrochoc sur l'économie américaine.
Se pourrait-il que plusieurs électeurs américains vivent dans le déni? Ne devrait-on pas admettre que les États-Unis amorcent - depuis plusieurs années - une phase de déclin (voir là-dessus le formidable ouvrage de Paul Kennedy "Naissance et déclin des grandes puissances") qu'aucun président ne sera en mesure de stopper? Ce constat à l'esprit, peut-être jugerions-nous moins sévèrement le bilan des années Obama.
L'écart entre les promesses d'Obama et ses réformes
En 2008, les promesses furent nombreuses. Plusieurs d'entre-elles ont été tenues. La plus importante est certainement celle de mettre en place une couverture de soins de santé universelle. Même s'il a dû édulcorer passablement sa réforme, il n'en demeure pas moins que les Américains doivent aujourd'hui obligatoirement contracter une assurance-maladie. En contre-partie, les compagnies d'assurances sont assujetties à de nouvelles règles, notamment l'impossibilité de refuser une assurance à un client pour des raisons de santé. En matière de santé, Obama a aussi respecté sa promesse d'autoriser à nouveau la recherche sur les cellules souches (interdite par Bush).
En matière de politique étrangère, Obama avait promis de retirer les troupes d'Irak, de réduire le contingent de soldats en Afghanistan et de continuer la chasse à Oussama Ben Laden. De ce côté, il a livré la marchandise. Par contre, les négociations de paix israélo-palestiniennes sont au point mort et Obama n'a pas doublé l'aide des États-Unis aux pays étrangers.
En matière économique, rappelons-nous que c'est Obama qui a mis sur pied un vaste plan de sauvetage - réclamé à grands cris- de l'industrie automobile (GM, Chrysler), sauvant par-là des milliers d'emplois. Ce ne fut toutefois pas suffisant pour maintenir le taux de chômage en deçà de 8%, une autre de ses promesses. Obama a aussi renouvelé les baisses d'impôts pour les faibles revenus, mais n'a pas haussé ceux des plus riches (en fait, il a prolongé leurs exemptions fiscales). Enfin, la réforme des institutions financières (Wall Street) fut partielle. Les règlementations ont été resserrées avec la loi Dodd-Frank, mais la mise en application de cette loi se fait au ralenti.
Bien sûr, la grande question est de savoir dans quelle mesure Barack Obama est-il responsable de n'avoir pu réaliser plusieurs de ses promesses. Faisant face à une majorité républicaine au Congrès, ses adversaires ont tout fait pour l'empêcher de réaliser quoi que ce soit de substantiel. Rappelez-vous que le Congrès avait, entre autres, attendu jusqu'à la toute dernière minute pour rehausser le plafond de la dette américaine, une mesure qui était pourtant indispensable.
C'est là la grandeur et la misère du système politique américain. En vertu du principe du Checks and Balances, les pouvoirs du président sont très encadrés par ceux du Congrès. L'avantage, c'est qu'il est difficile pour un président américain d'abuser de ses fonctions. Le désavantage, c'est qu'il devient parfois impossible de mettre en place des réformes ambitieuses.
Il ne faut donc pas négliger l'immense responsabilité des républicains dans les difficultés qu'éprouvent les États-Unis en ce moment. Non seulement n'ont-ils offert aucune collaboration à Barack Obama au cours de ses quatre années au pouvoir, rappelons-nous aussi à quel point les républicains de George W. Bush ont laissé à Barack Obama un déficit monstre à son arrivée au pouvoir.
Les chances de réélection de Barack Obama ne sont certes pas assurées. En fait, depuis 1945, aucun président n'a été réélu avec un taux de chômage supérieur à 8%. Obama fera-t-il encore l'histoire? On le verra bien.
Au final, je crois toutefois que le positionnement trop à droite de Mitt Romney jouera en sa défaveur. Ses déclarations sur le fait que 47% des Américains seraient des assistés sociaux vivant au crochet de l'État le rattraperont, de même que ses liens passés avec le fonds d'investissement Bain Capital.
Dans le débat présidentiel de mercredi soir, plusieurs se sont d'ailleurs demandé pourquoi Obama n'avait pas exploité ces histoires. À mon sens, la réponse est simple: Obama ne voulait pas dégager une image d'arrogance et il se garde des munitions pour les deux autres débats qui doivent encore être tenus dans les prochaines semaines.
Ma prédiction, c'est que cet uppercut sera livré dans le troisième et dernier round!
Voici un extrait du premier débat, sur le thème du rôle de l'État dans l'économie.
On a beaucoup commenté, dans les derniers jours, la formation du nouveau Conseil des ministres de Pauline Marois. Chacune des nominations étaient scrutées à la loupe, en se demandant si le nouvel élu avait le profil de l'emploi. Ainsi, plusieurs se sont réjouis de voir que d'anciens écologistes occupent maintenant des fonctions clés au cabinet, en l'occurrence Martine Ouellet aux Ressources naturelles et Daniel Breton à l'Environnement. D'autres ont fait ressortir la faiblesse de l'équipe économique du PQ.
Mais ce qui a peu été souligné dans les derniers jours, c'est que lorsqu'un nouveau ministre entre en fonction, une équipe l'attend déjà à son bureau: celle de son sous-ministre et de ses fonctionnaires. On a tendance à l'oublier, mais règle générale les véritables experts des dossiers liés aux transports, à l'environnement ou encore à l'économie ne sont pas les ministres eux-mêmes, mais bien leur sous-ministre.
Si les ministres viennent de jouer à la chaise musicale en raison de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement, une grande partie des sous-ministres qui travaillaient sous l'ancien gouvernement libéral demeurent en place. Ils auront pour tâche de "briefer" les nouveaux ministres sur l'état des dossiers en cours et d'assurer une transition du pouvoir fluide et cohérente. Il sera éventuellement possible de les remplacer par d'autres (puisque le gouvernement peut congédier un sous-ministre à sa guise), mais à court terme, ceux-ci jouent un rôle important et pourtant méconnu: ils assurent la continuité des affaires de l'État. Je vous invite à lire la chronique de Lise Payette, dans Le Devoir de cette semaine, qui aborde cette question intéressante.
Derrière chaque ministre donc, se trouve un sous-ministre. Dans les jours qui vont suivre, ce nouveau tandem devra apprendre à fonctionner ensemble. Le premier devra "accueillir le haut-fonctionnaire comme un conseiller politique de premier choix et non pas seulement comme un exécutant administratif". Le sous-ministre, quant à lui, doit être "disposé à voir dans le ministre un décideur responsable et non pas seulement comme un politicien avide de votes". "Le ministre apporte l'énergie, c'est-à-dire la nouveauté, l'entrain, la volonté de réussir à court terme. Le haut-fonctionnaire, lui, assure l'équilibre, soit la prudence, l'expérience et le souci de la continuité".
Si l'on a beaucoup parlé du ministre idéal dans les derniers jours, qu'en est-il du sous-minstre idéal? En deux mots, il devrait être loyal, compétent, travaillant, discret, obéissant, mais tout en ayant un esprit critique. Au final, le sous-ministre devra être lié à son ministre par certaines affinités personnelles.
J'ai parfois l'impression qu'on exagère la nécessité pour un ministre d'être un "expert" du secteur d'activité dont son ministère est en charge. Ainsi, on s'explique parfois mal qu'un politicien puisse avoir occupé à la fois le ministère des Finances, tout comme celui de l'Éducation. Pauline Marois, pour ne donner que cet exemple, a une formation en travail social, mais cela ne l'a pas empêchée d'occuper plus d'une douzaine de fonctions ministérielles dans sa carrière.
Évidemment, personne ne nie le fait qu'un ministre intelligent, cultivé et au fait des dossiers soit nécessaire. Certains le sont parfois plus que d'autres. Mais le ministre doit d'abord être un décideur et un arbitre. Il doit avoir une vue d'ensemble des dossiers pour être en mesure de trancher. Il doit être un habile communicateur qui explique les dossiers à la population. Il doit avoir la capacité de motiver ses fonctionnaires vers l'atteinte d'un but, bref faire preuve de leadership.
Par contre, le rat de bibliothèque, c'est plutôt le rôle du sous-ministre!
Note: Les citations sont tirées de: Parenteau, R. (dir). Management public. Comprendre et gérer les institutions de l'État. Presse de l'Université du Québec, Montréal 1994.
Il y a certains moments où il est particulièrement agréable d'avoir le son de Loco Locass dans les oreilles. C'était le cas hier, où je me disais que les pourfendeurs du nationalisme québécois et du PQ (présumément xénophobe) auraient intérêt à méditer les paroles de la chanson "Le mémoire de Loco Locass", tirée de son dernier album. Elles expriment bellement le fait qu'il n'est pas impossible de jumeler nationalisme identitaire et linguistique avec ouverture à l'autre et à la diversité.
" que tu sois de grand-mère près du st-maurice ou que ta grand-mère vienne des Îles maurice en autant qu’on ait la même grammaire grévisse les québécois s’unissent sous la fleur de lys que tu sois de métis près du st-laurent ou que t’aies du sang 100 % métis en dépit des marées, de la neige et du vent les québécois s’unissent sous la fleur de lys
comme ça les commissaires y faudrait qu’on s’efface qu’on se voile la face, qu’on agisse en majoritaire alors qu’on a la langue à terre ? mais sachez mes patriarches que si vous mettez la hache dans ma souche vous allez frapper un noeud ch’us pas pure laine, encore moins haineux mais à force d’avoir été lacérée mon écorce est écorchée pis j’irai pas la serrer pour plaire à la presse et pratte pis ceux qui nous pensent à 4 pattes"
Comme plusieurs d'entre-vous, je me sens malade depuis deux jours. C'est un dur lendemain électoral.
L'attentat du Métropolis
D'abord, en raison de l'attentat troublant du Métropolis qui visait Pauline Marois et qui a causé la mort d'un homme. Les conséquences de l'attentat auraient pu être encore pires et je n'ose les imaginer. On a vite interprété cette attaque comme un geste antinationaliste, car le principal suspect, Richard Henry Bain, a affirmé au moment de son arrestation que c'était le "payback time" pour les anglophones. D'autres ont aussi fait ressortir le côté misogyne de l'homme. Pour sa part, Pauline Marois a préféré, sagement, qualifier ce geste de cas isolé.
Il est toujours hasardeux de chercher à interpréter un geste à prime abord si incompréhensible. Losqu'une tuerie à l'arme automatique se produit aux États-Unis par exemple, il y a toujours des parents qui cherchent des explications du côté de Marylin Manson, des jeux vidéos ou des séries télés comme "Dexter". Ce genre d'interprétation est trop rapide, incomplet et stérile.
Je me méfie donc de ce type d'analyse dans le cas de l'attentat du Métropolis. Reste qu'en raison de la déclaration de Bain, il est en effet tentant de voir là un geste de représailles envers une figure souverainiste. Durant la campagne, combien de fois ais-je entendu des intervenants (dans les médias ou dans les réseaux sociaux et ce, même du côté francophone), associer le Parti québécois à un parti autoritaire - voire raciste- en raison notamment de sa promesse de resserrer les dispositions de la loi 101 au cégep. Qu'on soit d'accord ou non avec cette idée, faire du PQ un parti autoritaire est une grossièreté qui me met constamment mal à l'aise. En 1977, au moment de l'adoption de la loi 101, ce genre de critique était monnaie courante. Pourtant, il y a aujourd'hui un consensus assez fort sur le fait que la loi 101 a été cruciale pour la santé du français au Québec. Le Québec n'est jamais devenu un État fasciste entre temps.
Comprenez-moi bien. Je ne cherche pas à faire porter la responsabilité du geste de Bain à une autre personne que lui-même. Toujours est-il que le contexte social et politique ne peut pas non plus être complètement ignoré. Aux États-Unis, le manque de contrôle sur les armes à feu est donc un facteur d'explication dans des fusillades comme celle du Colorado en juillet 2012. Dans le cas de l'attentat au Métropolis, l'inflation verbale et les attaques exagérées à l'endroit du PQ ont certes contribué à créer un climat de peur malsain pour la démocratie. Les tensions liées au conflit étudiant y sont peut-être aussi pour quelque chose.
Plus globalement, je n'ai pu m'empêcher d'avoir une pensée pour tous les politiciens en général, qui exerçent un métier plus difficile qu'on l'imagine parfois. Ceux-ci sont très souvent critiqués et vilipendés (des critiques parfois fondées, difficile de ne pas en convenir), même si plusieurs d'entres-eux font d'énormes sacrifices au service du bien commun. Parmi les nombreux exemples, rappelons le cas récent de Nicolas Girard, ancien député du PQ dans Gouin, qui a reçu de nombreuses menaces et qui a été victime de vandalisme en raison de son acharnement à dénoncer le scandale libéral des garderies. Rarement le travail des politiciens est-il louangé, alors qu'ils exercent une fonction que peu sont intéressés à remplir. J'en profite donc pour souligner le travail remarquable d'une bonne partie d'entre eux.
L'élection du PQ
Le malheur de l'attentat du Métropolis, c'est aussi qu'il a jeté un voile sur des éléments plus réjouissants de cette élection, en l'occurrence l'élection d'une femme à la tête de l'exécutif, une première dans l'histoire québécoise. Par ailleurs, j'étais heureux de voir Léo-Bureau Blouin être élu à Laval-des-Rapides; il devient pour sa part le plus jeune député à faire son entrée à l'Assemblée nationale et sera un modèle inspirant pour sa génération.
Comme tout le monde, j'ai été surpris par la résilience du Parti libéral (50 sièges!), même si je m'attendais à ce que le parti demeure dans l'opposition officielle. Il faut croire que le PLQ a réussi à préserver un assez haut niveau d'appui chez les francophones (bien au-delà des 19% d'intentions de vote annoncées) et que la CAQ a fait davantage de dommage au PQ qu'au PLQ. Moi qui croyais qu'une partie importante de l'électorat anglophone allait se tourner vers la CAQ (en raison de la conversion fédéraliste de Legault), force est de constater qu'il est demeuré fidèle au Parti libéral. Comme toujours, la peur d'une majorité péquiste et d'un référendum sur la souveraineté l'aura incité à demeurer dans le giron libéral.
En situation minoritaire, la marge de manoeuvre de Pauline Marois ne sera pas inexistante. On sait bien que ni le PLQ (qui se cherche un chef suite au départ de Jean Charest), ni la CAQ (qui devra réévaluer sa stratégie électorale compte tenu de sa performance décevante), ne seront prêts à repartir en élection dans la prochaine année. À court terme, on peut donc s'attendre à ce que Pauline Marois annule la hausse annoncée des frais de scolarité et la loi 12. Contrairement à ce que l'on croit parfois, un vote en chambre n'est pas nécessaire pour aller de l'avant dans ces dossiers. Pauline Marois l'a confirmé elle-même hier en expliquant qu'elle procéderait par décret. L'abolition de la taxe santé de 400$ devrait aussi être une formalité, car la CAQ s'est montrée favorable à cette idée.
En ce qui concerne le dossier de la loi 101, je ne vois pas comment le PQ pourra aller de l'avant avec son idée de l'appliquer au milieu collégial. Le PQ devra nécessairement tempérer ses ambitions. En édulcorant son projet, peut-être réussira-t-il toutefois à resserrer l'application de la loi 101 sur les petites entreprises.
Si le PQ parvient à adopter des mesures législatives intéressantes et à gouverner de manière rassembleuse, peut-être aura-t-il le temps d'accroître ses appuis et préparer le terrain pour les prochaines élections.
Une stratégie intéressante - mais audacieuse - qu'il pourrait adopter est la suivante: pourquoi ne pas proposer la tenue d'un référendum.... sur la réforme du mode de scrutin! Même si je sais que Pauline Marois est défavorable à une telle idée (tout comme le sont malheureusement plusieurs souverainistes), je crois qu'elle devrait tout de même la considérer.
D'abord, en tenant un référendum sur autre chose que la souveraineté, Marois acclimaterait l'électorat à ce type de consultation. Qui sait? Il pourrait en venir à en apprécier les vertus et à en réclamer davantage. Ensuite, la tenue d'un référendum forcerait la CAQ et le PLQ (en vertu de la loi sur les consultations populaires qui oblige les députés à se prononcer pour le OUI ou pour le NON) à se positionner sur la réforme, dont on sait qu'ils ne veulent pas. Le PQ devrait évidemment se montrer en faveur.
Si la réforme est adoptée par le peuple, le PQ retrouve son image de parti véritablement progressiste et devrait être en mesure de rallier une grande partie de l'électorat de gauche qui l'a quitté dans les dernières années. Si le projet n'est pas adopté, la question de la réforme du mode de scrutin est reléguée aux oubliettes pour les trentes prochaines années et le PQ aura au moins eu le mérite d'avoir laisser la chance à la population de se prononcer sur le sujet.
Cette idée est certes audacieuse, mais tous s'entendent pour dire que le PQ a besoin d'une sérieuse redéfinition. En étant incapable de profiter davantage des difficultés du Parti libéral lors du dernier scrutin, il a confirmé que son électorat s'effritait dangereusement.
Maintenant au pouvoir, le PQ a tous les outils nécessaires pour retrouver ses lettres de noblesse. Reste à savoir si Pauline Marois et son équipe seront à la hauteur...