vendredi 21 octobre 2011

Kadhafi est mort: la démocratie aussi?

Mouammar Kadhafi n'était pas un démocrate. Pendant ses quarante deux ans à la tête de la Libye, l'opposition politique n'avait pas droit de parole et celle-ci subissait intimidation, violence et torture. Les minorités berbères de son pays ont aussi été constamment persécutées. Il a soutenu de multiples organisations terroristes et a lui-même donné sa bénédiction aux attentats de Lockerbie (contre un boeing de la Pan American), en 1988. Il n'a pas non plus hésité à offrir son soutien à Charles Taylor, l'ancien dictateur du Liberia qui quitta le pouvoir en 2003, après avoir fomenté une longue guerre civile coûteuse en vie humaine.

La liste des exactions commises par Kadhafi pourrait s'allonger. Méritait-il pour autant de mourir dans les circonstances barbares que l'on nous a rapportées dans les médias? Celui-ci aurait vraisemblablement été trouvé dans un abri de fortune près de la ville de Syrte. Ceux qui l'ont capturé l'ont ensuite roué de coups dans la rue et ont filmé leurs actions. Si Kadhafi méritait de partir, comme je l'écrivais déjà sur ce blogue, je ne crois pas que son assassinat sur la place publique ait quoi que ce soit de très édifiant.

Une occasion ratée

Depuis le début des protestations contre le régime de Kadhafi, je me rangeais pour l'essentiel derrière les revendications des opposants du Conseil national de transition (CNT) - aujourd'hui le nouveau gouvernement - même si l'on trouve aussi des personnages suspects au sein de cet organe décisionnel, notamment Abdelhakim Belhadj, un islamiste notoire qui a déjà eu des liens étroits avec al-Qaida.

Je croyais - et crois toujours - que le CNT était un mouvement en filiation du Printemps arabe et qu'il offrait la possibilité d'un renouveau démocratique dans la région. Or, le CNT vient de rater une belle occasion de montrer à la face du monde qu'il comprend véritablement ce qu'est un régime démocratique.

Dans une société de droit, les présumés criminels sont amenés devant un tribunal pour y être jugés et sanctionnés. La Cour pénale internationale avait ainsi délivré un mandat d'arrêt contre Kadhafi, en juin 2011. Quelle meilleure façon de réintégrer la communauté internationale que d'accepter qu'une organisation externe vienne juger celui qu'on condamne? Il me semble que la crédibilité et la légitimité du CNT auraient été renforcées par une telle démarche.

Je suis par ailleurs étonné que les réactions des États membres de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) aient été si joviales. Le premier ministre britannique David Cameron a ainsi déclaré que "la perspective d'un avenir démocratique pour la Libye devient meilleure après cette nouvelle." Permettez-moi d'en douter.

Une transformation radicale d'un régime politique ne se fait pas sans casser des oeufs. Le temps nous dira si une société plus démocratique est possible en Libye. Mais pour le moment c'est autoritarisme 1, démocratie 0!

4 commentaires:

  1. On sassume dans ce texte que le lynchage de Khadafi est le résultat d'une volonté du CNT. Qu'est-ce qui appuie ce point de vue?

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  2. Anonyme rajoute:
    Je dirais plutôt:
    défense et défoulement populaire: 1
    aspect pénal du système de justice démocratique (i.e. celui qui est au service des biens nantis et de lui-même): 0
    !

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  3. Bonjour Anonyme,

    Oui, il est probablement prématuré de dire que le CNT a ici fait preuve d'autoritarisme. Le mot est fort et je suis allé un peu trop vite en besogne. Les circonstances de sa mort sont en effet nébuleuses et les témoignages se contredisent. Les enquêtes sur sa mort nous en apprendrons un peu plus, espérons-le.

    Ce que je voulais surtout faire ressortir, c'est la maladresse de la réaction initiale du CNT. Le vice-président et porte-parole a ainsi parlé d'un "moment historique" et affirmé que Kadhafi avait rencontré son destin.

    J'aurais aimé qu'on fasse preuve de plus de réserve et d'appels au calme sur le plan des communications officielles. Le CNT avait déjà affirmé vouloir traîner Kadhafi devant la CPI. J'aurais aimé qu'on rappelle davantage hier que c'était le scénario à privilégier.

    Ce scénario aurait eu une portée symbolique forte pour la démocratie que le CNT prétend vouloir mettre en place.

    Bonne journée.

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  4. Rebonjour,

    Il faut aussi se rappeler qu'un récent (13 septembre 2011)
    rapport d'Amnisty International accusait des rebelles proches du CNT d'avoir commis des abus et des exécutions extrajudiciaires, notamment à l'endroit d'Africains noirs soupçonnés d'avoir été des mercenaires de Kadhafi:

    http://www.lemonde.fr/libye/article/2011/09/12/amnesty-accuse-le-regime-kadhafi-et-les-rebelles-libyens-de-crimes-de-guerre_1571314_1496980.html

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