jeudi 6 octobre 2011

Legault et la stratégie de la division.

François Legault en a encore sorti une bien bonne hier, mercredi le 5 octobre. Il a affirmé que le cégep (collège d'enseignement général et professionnel) est une belle place pour "apprendre à fumer de la drogue" et qu'il faudrait considérer les abolir éventuellement.

D'une part, ce type de boutade est un argument populiste facile qui propose une solution draconienne et improvisée à un problème réel, mais marginal. D'autre part, Legault a bien mal choisi son moment pour faire sa déclaration. Le 5 octobre était la Journée mondiale des enseignants, visant à rendre hommage au travail central que ceux-ci jouent dans l'éducation de nos sociétés. Pour célébrer leur travail, Legault propose d'abolir une institution qui, depuis quarante-cinq ans, a contribué à l'éducation de centaines de milliers de jeunes Québécois. Quel tact!

Pourquoi les cégeps sont-ils utiles?

L'analyse de François Legault sur les cégeps est sommaire. Il affirme par exemple que le taux de diplomation est trop bas, alors que le Québec a le plus haut taux de diplomation postsecondaire au Canada! Par ailleurs, si la consommation de drogue à l'école et le décrochage sont pour Legault des priorités, c'est surtout au secondaire que des gestes devraient être posés.

L'idée d'abolir les cégeps n'est pas nouvelle. Il y a déjà eu plusieurs réflexions et sommets sur la question, le dernier en lice étant le Forum sur l'avenir de l'enseignement collégial (2004) mis sur pied par le gouvernement Charest. On y avait conclut qu'il fallait maintenir les cégeps. La ministre de l'éducation Line Beauchamp a d'ailleurs rapidement déploré les propos de M. Legault.

Au débuts des années 1960, les membres de la commission Parent sur l'éducation (celle qui allait mené à la création des cégeps) jugeaient que cette structure éducative novatrice allait permettre à un plus grand nombre de jeunes de poursuivre des études plus longtemps. Aujourd'hui, 85% des jeunes du secondaire poursuivent leur éducation au niveau collégial et ont accès à une formation supérieure gratuite. En abolissant le cégep et en ajoutant une année au secondaire et une à l'université, les étudiants devront débourser davantage pour accéder à l'université dont les frais viennent d'être augmentés.

Et que dire du volet collégial de la formation continue, qui permet à des milliers d'adultes de faire un retour constructif aux études? Pour reprendre les termes de l'économiste Pierre Fortin, les cégeps sont de "véritables accélérateurs de scolarisation". S'en départir serait une erreur majeure.

Le cégep est aussi une structure qui permet aux étudiants d'avoir une période importante d'orientation scolaire. C'est une période de transition saine où les jeunes se questionnent fortement sur l'avenir et découvrent des disciplines - la philosophie notamment - qu'ils ne connaissaient pas jusque-là. Si ce passage peut s'éterniser dans certains cas - et s'accompagner parfois d'un joint de trop - il n'en demeure pas moins qu'une fois à l'université, l'orientation professionnelle du jeune est mieux précisée.

Quiconque a déjà mis les pieds dans un cégep sait très bien qu'on y trouve toute une série d'activités stimulantes pour les étudiants, qu'il s'agisse de projets de mobilité étudiante à l'étranger ou encore de compétitions sportives de haut niveau.

Comprenons-nous bien: je ne dis pas que les cégeps n'ont pas besoin de changements. Un débat sur les réformes qu'on peut leur apporter est sain et pertinent. Ainsi, je ne suis pas fermé à l'idée de Legault d'insérer un processus d'évaluation plus rigoureux du travail des enseignants, quoique cette évaluation ne devrait jamais se fonder sur les taux de réussite des élèves. La Commission d'évaluation de l'enseignement collégial se penche actuellement sur le sujet.

Legault et la "wedge politics".

Ce qui me déçoit surtout de la sortie de M. Legault, c'est que depuis la formation de la Coalition sur l'avenir du Québec (CAQ), il ne cesse de répéter qu'il cherche à faire de la politique autrement. Or, il est le maître de la langue de bois, des phrases vides et des retournements de veste soudains. Vous vous rappelez, cette déclaration où il soutenait que si la CAQ prenait un jour le pouvoir, il ne s'en tiendrait qu'à un seul mandat? Rapidement, il avait changé sa position, réalisant l'absurdité de la chose.

Je ne crois pas que la proposition de Legault sur l'abolition des cégeps ait été aussi improvisée qu'on pourrait le croire. Même s'il a atténué la portée de ses propos depuis, je crois que Legault utilise une stratégie classique en politique: la "wedge politics". Celle-ci consiste à susciter des débats sur des enjeux qui risquent de polariser et diviser l'électorat. C'est une stratégie risquée, mais lorsque plusieurs partis s'affrontent, celle-ci peut s'avérer payante et je crois que c'est le calcul fait par Legault et son équipe. C'est une stratégie populiste qui permet aussi de rallier certains indécis et électeurs de droite. Mario Dumont était le maître en la matière, de même que Stephen Harper et les conservateurs qui l'ont utilisée avec brio lors des dernières élections.

Legault - c'est décevant- mais ce n'est que du vieux vin dans une nouvelle bouteille!






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