mardi 15 novembre 2011

Kempf et les oligarques

Je lis en ce moment l'ouvrage d'Hervé Kempf intitulé "L'oligarchie, ça suffit, vive la démocratie". Il s'agit d'une lecture pertinente dans le contexte actuel, celui du mouvement des indignés que l'on retrouve un peu partout à travers le monde.

Hervé Kempf est un Français qui a commencé sa carrière professionnelle en tant que journaliste dans le domaine des sciences. Il se préoccupe surtout des questions liées à l'écologie. Il a tenu une rubrique dans la revue Courrier International et travaillé pour le journal Le Monde. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.

Le mythe de la démocratie

Comme je n'ai pas encore terminé l'ouvrage de Kempf, je ne vous présente que la thèse principale de son livre. En gros, Kempf affirme que les régimes politiques que l'on qualifie aujourd'hui de démocraties ont été dénaturés et qu'ils s'apparentent plutôt à des oligarchies, voire à une seule grande oligarchie internationale.

L'auteur rappelle d'abord la définition du terme. L'oligarchie est un régime politique dans lequel les pouvoirs sont entre les mains d'un petit groupe de personnes et dont le fondement peut-être soit l'armée, la tradition ou l'argent (ce que soutient Kempf). Kempf prend bien soin de rappeler qu'une oligarchie n'est pas une dictature et que les citoyens peuvent donc y vivre de manière relativement confortable.

Kempf s'appuie sur de nombreux chiffres pour étayer son affirmation que le pouvoir glisse de plus en plus vers une petite élite d'ultra-riches. Par exemple, aux États-Unis, les 1% les plus riches ont vu leur part du revenu national passer de 8% au début des années 1980, à 16% dans les années 2000. La part de revenu des 10% les plus riches a quant à elle passé de 25% à 27% pour la même période.

Kempf révèle aussi l'existence d'un club fermé dont les activités sont peu médiatisées - le groupe Bilderberg - qui attesterait sa thèse de l'existence d'une oligarchie internationale. Né en 1952, ce groupe réunit l'élite américaine et européenne (hommes politiques, PDG de compagnies, personnalités de la finance...) afin de discuter de lignes d'actions communes pour protéger leurs intérêts. Kempf ne va pas jusqu'à parler de complot, mais plutôt de partenariat très serré.

Jusqu'ici l'ouvrage de Kempf est intéressant et j'espère qu'il contribuera à ce que davantage d'auteurs fassent de l'oligarchie un objet d'études, car c'est une question peu abordée par les politologues.

Sans adhérer encore tout à fait à la thèse de l'auteur, il faut admettre toutefois que les nouvelles de ce matin tendent à lui donner raison. On apprenait ainsi que le nouveau président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, le nouveau président du Conseil italien Mario Monti et le nouveau premier ministre grec, Lucas Papadémos ont entretenu des liens étroits avec la célèbre banque d'affaires Goldman Sachs, celle-là même qui a contribué à masquer la dette grecque pendant de nombreuses années!

Avouons qu'il est difficile de ne pas penser que le monde des affaires vient de mettre en place les candidats parfaits pour travailler à reconstruire l'Europe en fonction de leurs intérêts....oligarchiques!

3 commentaires:

  1. Bien vu.

    Toutefois, si un clan très serré tire les ficelles, en quoi cela ne peut-il pas être qualifié de conspiration ? Ce mot serait-il devenu tabou?

    Pour ma part, j'appelle un chat: un chat. Et un clan tirant toutes le ficelles loin des caméras: une société secrète.

    Les Bilderbergs opèrent depuis 1954, disons qu'ils ont eu amplement le temps de comploter.

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  2. @ Kesskidi

    J'hésite à parler de conspiration pour deux raisons principalement.

    D'abord, le groupe Bilderberg est certainement méconnu, mais pas si secret que cela puisque la liste de ses membres est publique (voir mon lien) et que le groupe a même une page Internet. Bien sûr, les discussions s'y font à porte close, mais on se doute de ce qui peut s'y dire: i.e. comment faire adopter des mesures néolibérales par les États de la planète.

    Par ailleurs, je me méfie souvent de la tendance qu'ont les défenseurs des théories conspirationnistes à reconstruire le réel sur la base de leur fantasme et de faits difficilement vérifiables.

    Je vous dis cela, car je viens de terminer la lecture de l'ouvrage de Thierry Meyssan, un auteur français qui critique la "version officielle" des attentats de septembre 2001 aux États-Unis et qui voit plutôt dans ces événements un complot orchestré par l'administration Bush elle-même.

    Sur ce dossier, je suis le premier à reconnaître que la version officielle des attentats est douteuse, mais si vous prenez la peine de lire l'ouvrage de Meyssan, vous vous rendrez vite compte que les arguments qu'il développe de son côté sont tout aussi faibles, voire fantaisistes....

    Alors disons qu'en ce moment, le mot conspiration éveille pour moi doutes, critiques et suspicions. Toutefois, de dire que des puissants exercent en ce moment un pouvoir démesuré, ça je peux le concevoir.

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  3. Ça me fait penser à l'ouvrage de Lénine (L'impérialisme, stade suprême du capitalisme)... Aussi, plusieurs auteurs affirment que toute démocratie est oligarchique...même les marxistes l' ''avoue'' : la démocratie est capitaliste et confère à la classe économiquement dominante un poids démesuré dans la lutte pour le pouvoir...Par ailleurs, je crois que les médias (grands surtout) jouent un rôle considérable dans cette concentration du pouvoir...à ce propos, on se souvient de Chomsky qui montre assez bien comment ils peuvent abrutir l'opinion, mais surtout ''intimider''...la solution semble en tout cas résider dans la question de l'éthique...

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