mardi 8 novembre 2011

Le mystère grec (2e partie)

Pour solutionner la crise de la dette de la Grèce, quelles mesures ont été prises dans les derniers mois?

Et bien les gouvernements européens sont entrés en scène - Angela Merkel (Allemagne) et Nicolas Sarkozy (France) au premier rang - afin de venir supporter financièrement la Grèce, même s'ils étaient au départ hésitants. D'une part, ils étaient réticents à enfreindre une règle de l'Union européenne stipulant qu'on ne peut pas empiéter sur la souveraineté d'un État en influençant l'élaboration de son budget national. De l'autre, l'opinion publique - surtout allemande - ne souhaitait pas qu'on vienne en aide aux Grecs qui sont considérés comme irresponsables, paresseux et mauvais gestionnaires.

Les plans de sauvetage

Après moult discussions, on a toutefois accouché d'un premier plan de sauvetage, le 11 avril 2011. Des prêts sont alors consentis à la Grèce (30 milliards d'euros) à des taux "favorables". Ces prêts sont accordés par les membres de la zone euro et par le Fonds monétaire international (FMI), une organisation créée en 1944, dont le mandat officiel est de "veiller à la stabilité et de prévenir les crises du système monétaire international".

Il y a eu depuis d'autres plans de sauvetage, dont celui du 9 mai 2011 qui débloquait cette fois 110 milliards d'euros sur trois ans pour la Grèce. Le dernier plan, adopté à la fin du mois d'octobre, prévoyait une aide de 130 milliards d'euros, de même qu'un effacement d'une partie de la dette (100 milliards sur 350). On a aussi accepté la recapitalisation des banques afin de les aider à faire face aux pertes subies en conséquence de l'effacement d'une partie de la dette grecque. Enfin, le Fonds européen de stabilité financière (une sorte de fonds de solidarité) a été renfloué.

Privatiser les profits, socialiser les pertes.

Les conséquences de ces plans de sauvetage sont directes et surtout dramatiques dans la vie quotidienne des Grecs. Athènes a été mis sous étroite surveillance et son gouvernement se doit de réduire drastiquement ses dépenses. Le secteur des dépenses sociales a solidement écopé. L'âge de la retraite a ainsi été ramené à 67 ans, les pensions réduites de 7%, les salaires de la fonction publique diminués de 15%, la TVA (taxe de vente) augmentée de deux points, les critères pour obtenir l'aide sociale ont été resserrés, les impôts ont été augmentés.... Et la liste est encore longue! Voilà pourquoi les Grecs sont massivement sortis dans les rues pour protester - avec justesse - contre ces coupes draconiennes.

En fait, c'est cette désagréable impression que les Grecs ressentent d'avoir à faire beaucoup plus d'efforts que les grandes institutions financières pour résoudre la crise. Même si une partie de la dette a été réduite, cela est jugé bien insuffisant. Les idées pour mieux règlementer les marchés financiers ne manquent pourtant pas. Pourquoi ne pas interdire les produits dérivés de type CDS (voir la description de ces produits sur mon blogue)? Pourquoi ne pas adopter une taxe sur les transactions financières (même Nicolas Sarkozy lui est favorable)? Pourquoi ne pas mieux séparer les banques d'épargne et les banques d'investissement? Pourquoi ne pas mieux encadrer le rôle des agences de notation? Et l'idée du candidat à la primaire socialiste française, Arnaud Montebourg, de faire entrer des représentants de l'État sur les conseils d'administration des banques me semble intéressante, même si certains la considèrent radicale. La réduction des dépenses militaires de la Grèce, l'imposition plus grande des banques et des plus fortunés font aussi certainement partie des alternatives à considérer.

Je n'ai évidemment pas la prétention ici d'avoir la solution à la crise grecque. Mais l'idée centrale est simple: trouver un meilleur équilibre entre le fardeau imposé aux citoyens grecs et celui du secteur financier.

Les conséquences politiques

Sur le plan national, la crise grecque aura couté au premier ministre George Papandréou son poste puisqu'il a annoncé sa démission le 6 novembre dernier. Plusieurs ministres de son parti (Pasok) ont exigé son départ, car l'idée de tenir un référendum national pour entériner le dernier plan de sauvetage en a scandalisé plus d'un. M. Papandréou avait reculé sur cette question, mais le mal était fait.

Sur le plan européen, cette crise pourrait annoncer le prélude au démantèlement de l'Union européenne. La sortie de la Grèce de la zone euro et de l'Union européenne est un scénario envisageable et enverrait un signal fort pour l'avenir de cette confédération. Alors qu'on croyait que la création de l'Union européenne allait sonner le glas des identités nationales, le départ de la Grèce annoncerait plutôt la difficulté, voire l'impossibilité de la chose. Les réticences de l'Allemagne à venir en aide à la Grèce démontrent aussi comment l'intérêt national est toujours présent en Europe.

Enfin, sur le plan symbolique, il serait assez paradoxal de voir "le peuple fondateur de la démocratie" être le premier à quitter l'Union. On pourrait alors être tenté de se dire que la démocratie passe - pour le meilleur et pour le pire - par les petits États et par le bon vieux principe du "small is beautifiul".




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