dimanche 6 novembre 2011

Le mystère grec (1re partie)

Les causes de la crise qui secoue la Grèce - et l'Europe - à l'heure actuelle s'apparentent à un mystère. Pour le citoyen québécois moyen, les récentes tergiversations européennes sur la dette et les déficits budgétaires de l'État grec, ou encore les plans d'aide aux grandes institutions bancaires sont des choses bien abstraites et loin de nos préoccupations quotidiennes.

D'une part, le langage économique correspond à un discours d'initiés qui est parfois compliqué à saisir. Il est facile de s'en désintéresser. D'autre part, les Québécois sont en règle générale peu préoccupés par les questions de relations internationales, et encore moins par les questions économiques. Probablement que notre conscience collective empreinte de catholicisme et de méfiance vis-à-vis l'argent y est pour quelque chose.

Pourtant, la crise qui secoue l'Europe déstabilise d'ores et déjà l'économie mondiale et risque de faire imploser cette organisation politique confédérale (l'Union européenne) qui se voulait un modèle pour le monde. Il est donc impératif d'y réfléchir.

Que se passe-t-il en Grèce? Quelles ont été les solutions proposées à cette crise? Sont-elles appropriées? Quelles sont les implications politiques reliées à l'instabilité économique de la Grèce?

Les origines de la crise

L'élément central au coeur de la crise est incontestablement la dette. Celle-ci atteignait 142,8% du PIB en 2009. Le montant total de la dette actuelle est estimé à 350 milliards d'euros. Les déficits du gouvernement grec sont eux aussi faramineux, celui de 2009 atteignant 15,4% du PIB et celui de 2010, 9,4%. Les Grecs sont donc étouffés par leur dette et les intérêts qui y sont liés et leur État est en situation de quasi faillite (même si un État ne fait pas faillite au sens d'une entreprise). Il devient alors difficile de financer les services normalement fournis par l'État.

Un autre problème important est lié à l'intégration de la Grèce dans l'union monétaire européenne en 2001. Celle-ci a entraîné une forte inflation, contribuant à rendre les produits grecs moins compétitifs. La Grèce souffre donc d'un déficit commercial important (elle importe plus qu'elle n'exporte), alourdissant d'autant plus le problème de la dette.

Voici d'autres facteurs importants à considérer pour comprendre la crise économique grecque:

La crise des subprimes: En 2007, aux États-Unis, les ménages américains ne peuvent plus rembourser leur prêt immobilier, consenti à des conditions trop avantageuses. Cette crise se transforme en crise bancaire, car plusieurs établissements financiers ne reçoivent plus les remboursements prévus. De grandes banques font des faillites en cascade et les États s'endettent davantage pour les sauver.

L'économie au noir: Selon l'organisme Transparency International, le poids de l'économie au noir correspond à 20%-30% du PIB grec. Une personne sur dix aurait déjà payé un fonctionnaire pour obtenir un service de l'État. La corruption dans la fonction publique est donc un problème sérieux. De plus, plusieurs groupes dans la société grecque ne paient pas ou très peu d'impôts, notamment les agriculteurs, les armateurs, l'Église orthodoxe et certaines professions libérales.

Le gouvernement lui-même - celui de George Papandréou - traficotait les chiffres (aidé par la banque Goldman Sachs) et a masqué pendant quelques années l'ampleur de la dette grecque!

L'augmentation des dépenses militaires: Elles représentent 5,6% du PIB (en 2010) de la Grèce et c'est proportionnellement le budget militaire le plus élevé parmi les États de l'Union européenne. Les tensions avec la Turquie à propos de l'île de Chypre et sur la souveraineté en mer Égée expliquent en bonne partie ces dépenses élevées et vraisemblablement exagérées.

La prolifération des produits dérivés: C'est un élément curieux et mystérieux du système financier actuel, qu'il est intéressant de connaître. Les Credit Default Swap (CDS) sont des titres d'emprunt qui s'apparentent à une assurance et permettent aux acheteurs de se prémunir contre un éventuel défaut de paiement d'une entreprise ou d'un État.

Le hic, c'est qu'il est possible d'acheter ce type d'assurance même si vous n'avez pas de titres grecs dans votre portefeuille! Dès lors, il est dans l'intérêt de ces investisseurs de voir la Grèce faire un défaut de paiement, pour pouvoir toucher la prime liée à cette éventualité.

Le rôle des agences de notation: Le rôle des agences de notation est d'évaluer la solidité financière et la capacité de remboursement d'une entreprise ou d'un État. Trois grandes firmes se répartissent cette tâche pour l'essentiel: Moody's, Standard and Poor's et Fitch Ratings.

Une des critiques adressées à ces firmes, c'est qu'elles reçoivent leur rémunération des émetteurs de titre, c'est-à-dire ceux-là même qu'elles sont censées évaluer! Cette situation est liée à la précédente: les spéculateurs dont le portefeuille est rempli de CDS mettent des pressions sur ces agences pour qu'elles abaissent la note de solvabilité d'un État, faisant du coup hausser la valeur de leur titre.

Par ailleurs, plus la note d'un État se dégrade, plus il lui est difficile d'emprunter à des taux avantageux sur les marchés. Il faut donc être très prudent pour ne pas faire entrer un État dans le cercle vicieux de la dette.

Les raisons de cette crise sont certainement plus profondes que ce que ma tentative de synthèse laisse entendre. J'aurais notamment pu développer sur la mise en application - par les États d'Europe et d'Amérique du Nord - d'un vaste programme de dérèglementation des marchés financiers dans les années 1980. Il y a certainement des réponses à chercher de ce côté.

Comme toujours, je vous invite à me laisser des commentaires pour améliorer notre compréhension de cet enjeu important.

Le prochain texte portera sur les solutions apportées au problème grec jusqu'ici, de même que celles écartées. L'aspect politique du problème sera aussi abordé.



1 commentaire:

  1. maintenant je vais commencé à m'y intéresser!! J'avoue ne pas avoir été au courant de telles consequences,

    merci pour les informations et à bientôt!

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