Nicolas Bourdon
Dans son devoir de philo du dimanche 18 mars, Jean Laberge, enseignant en philosophie au Collège du Vieux-Montréal, se sert de la pensée du philosophe britannique Derek Parfit pour prendre position contre le mouvement étudiant. Je trouve d’abord assez surprenant que Laberge se serve d’Égalité et Priorité, un essai qui, de l’opinion même de son auteur, consiste essentiellement en une taxonomie non partisane lui permettant d’éclairer les différentes attitudes qui peuvent guider nos choix moraux.
Mais voyons maintenant ce qui est au cœur de l’argumentation de Laberge. Il estime que l’égalité à tout prix ne devrait pas être poursuivie, car elle peut avoir un effet de nivellement par le bas. Il décrit longuement une situation fictive pour tenter de nous en convaincre : des parents ont prévu acheter une console de jeu vidéo au prix de 100$. Or, le père remarque une offre spéciale : à l’achat de deux consoles haut de gamme, on offre une console de jeu à 100 $ gratuite. Optera-t-on pour l’égalité à tout prix (acheter trois consoles à 100$) ou pour une solution qui créerait une inégalité (acheter deux consoles haut de gamme à 150$ et en obtenir une d’une valeur de 100$ gratuite) ? Laberge opte sans hésiter pour la deuxième solution, même si elle comporte un aspect inégalitaire, car il est évident qu’elle présente aussi un gain majeur pour deux des trois enfants.
Le problème, dans ce devoir de philo, c’est précisément que Laberge ne montre pas clairement le lien qu’il a décelé entre son exemple fictif et la situation actuelle. Admettons que le gouvernement revienne sur sa décision d’augmenter les frais de scolarité et que les étudiants aient encore 2168$ à payer comme c’est le cas maintenant. Cela aiderait effectivement les étudiants qui ont peu de moyens, mais cela nuirait-il aux étudiants les plus riches ? Non, aucunement ! Il est bien sûr absurde de penser le contraire. On ne peut donc dire comme Laberge : « Il est possible de rendre tout le monde égal simplement en rendant chacun aussi pauvre que l’individu le plus pauvre de la société. » Le point de vue de notre professeur est catastrophiste : aider financièrement les étudiants moins fortunés se traduirait automatiquement par un appauvrissement général de notre société. Son argumentation ne tient pas la route.
S’il veut être honnête et nous présenter les choses comme elles le sont réellement, Laberge devrait plutôt nous présenter ainsi le dilemme moral auquel nous faisons face : « Acceptez-vous, comme société, de faire quelques petits sacrifices pour permettre au plus grand nombre possible d’accéder à des études universitaires ? » À ce dilemme, j’ose croire que nous serions plusieurs à répondre « oui » !
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