mardi 8 mai 2012

Une entente au conditionnel


Nicolas Bourdon
J’avoue mal comprendre pourquoi les leaders étudiants ont signé un protocole d’entente aussi peu à leur avantage. Douze semaines de grève pour en arriver à ça ? D’entrée de jeu, il faut comprendre que le conseil provisoire convenu par l’entente n’est pas un organe exécutif et qu’il a seulement le mandat de suggérer des recommandations à la ministre de l’Éducation; la ministre a tout le loisir de suivre ou non ces recommandations. La composition du conseil provisoire laisse aussi songeur :

- 6 recteurs ou leurs représentants, désignés par la CREPUQ ;
- 4 représentants étudiants, désignés respectivement par la FEUQ, la
FECQ, l’ASSE et la TACEQ
- 4 représentants du milieu syndical, désignés respectivement par la CSN,
la CSQ, la FTQ et la FQPPU ;
- 2 représentants des milieux d’affaires, désignés par la ministre ;
- 1 représentant des cégeps, désigné par la Fédération des cégeps ;
- 1 représentant du MELS, désigné par la ministre ;
- Le président, désigné par la ministre.
  
Si on fait un calcul sommaire, on s’aperçoit rapidement que la voix des étudiants pourrait ne pas être entendue. Admettons que les quatre représentants du milieu syndical votent avec les étudiants et admettons (soyons généreux) que le représentant des cégeps est aussi de leur côté; on retrouve neuf voix pro-étudiants et, de l’autre côté, on retrouve neuf voix pro-gouvernement; le président est désigné par la ministre et, s’il a le droit de vote, les étudiants se retrouvent dans une position encore plus précaire.

On sait que le conseil provisoire cherchera à trouver les moyens de couper dans les frais afférents des étudiants. Cette mesure est inéquitable, car les frais afférents varient grandement d’une université à l’autre. En admettant que le conseil provisoire ait réussi à convaincre la ministre (ce qui est loin d’être certain) de réduire ces frais, un étudiant dont l’université exige beaucoup en frais afférents tirerait un plus grand bénéfice de cette mesure qu’un étudiant dont l’université en exige peu. Un autre problème : le conseil provisoire va peut-être constater qu’il y a des universités où les frais afférents sont justifiés et d’autres où ils ne le sont pas. L’équité entre étudiants sera encore mise de côté : les universités qui peuvent couper dans le « gras » vont pouvoir réduire la facture étudiante, tandis que les autres ne le feront pas.    

La dernière disposition m’a laissé bouche bée : elle engage les représentants étudiants « à ne pas organiser de manifestations liées à cette entente ». Ainsi, les représentants étudiants se sont eux-mêmes emprisonnés. Ils ne se sont pas même donné une porte de sortie advenant le cas où les associations étudiantes voteraient contre l’entente et c’est précisément ce qui est en train de se produire ! Que feront-ils maintenant ? Ils laisseront à d’autres qu’eux le soin d’organiser des manifestations ? Mais ils sont pourtant les leaders… Leur défaite dans ces négociations est triste, car jusqu’ici ils avaient accompli un travail exemplaire. On s’attendait à très peu d’un gouvernement qui fait du mépris des étudiants une de ses marques de commerce, mais des leaders étudiants, on s’attendait à mieux : ils auraient pu continuer à négocier ou s’ils voyaient que le gouvernement était intraitable, ils auraient pu ne rien signer.

Les étudiants ont raison de refuser cette entente. On aurait souhaité un accord solide : soit une diminution des droits de scolarité, soit une augmentation substantielle des bourses, et l’engagement du gouvernement devrait être chiffré. Au lieu de cela, nous nageons dans le vague et dans le conditionnel. Une seule chose est certaine à l’heure actuelle : les étudiants sont encore en colère.    


2 commentaires:

  1. Un peu sommaire comme commentaire. Qui êtes-vous pour juger de la capacité de négo des étudiants. Êtes-vous un expert en relations industrielles? Je trouve ça plutôt étonnant qu'un professeur sur le "payroll" de l'État se serve de son temps pour discuter de la teneur des négociations des étudiants. Vous vous dites prof de littérature, ne feriez-vous pas mieux d'écrire des romans pendant vos temps libres?

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  2. Votre commentaire laisse entendre que seuls les prétendus experts pourraient intervenir dans un débat public. Si l'on suit votre logique, les étudiants eux-mêmes ne pourraient pas intervenir dans le débat public: ils ne sont experts en rien, bien sûr, ils sont encore aux études... Je m'oppose à cette vision étriquée de faire de la politique: on le voit d'ailleurs avec le discours intelligent et articulé des trois représentants étudiants; ils nous ont démontré amplement la pertinence de leur présence. Mais, en ce qui concerne le point spécifique de cette entente, je crois qu'ils ont erré. Nicolas Bourdon

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