vendredi 6 avril 2012

Café de Flore, Lelouch et l'irrationnel

Félix-Olivier Riendeau

Je vous invite à visionner cette courte entrevue que l'équipe du Voir a menée avec le cinéaste Claude Lelouch il y a quelques semaines. Au milieu de l'entrevue, Lelouch explique bellement le rapport qu'il entretient avec les critiques de ses films.

Pour lui, la seule critique qui vaille est le temps qui passe. Seul le recul nous permet de véritablement apprécier un film à sa juste valeur. Il estime aussi que trop souvent, les commentateurs de films analysent rationnellement les oeuvres qu'ils visionnent, car ils sont dans l'obligation de rédiger un texte cohérent et intelligible pour leurs lecteurs. À son avis, un bon film doit d'abord s'adresser au coeur et non à la tête.

Il y a donc de ces films qui sont d'abord mal reçus par la critique, pour ensuite devenir des chefs-d'oeuvres reconnus. Je pense par exemple au film de Stanley Kubrick 2001: A Space Odyssey (1968) dont plusieurs critiques jugeaient au départ qu'il s'agissait d'une fable incompréhensible sur le passage vers l'au-delà. Le film remporta pourtant un Oscar en 1969 (meilleurs effets spéciaux) et demeure aujourd'hui un classique de science-fiction. Il y a certainement de nombreux autres exemples.

Si le film Café de Flore, de Jean-Marc-Vallée a été bien reçu au Québec, il a toutefois été démoli en France, injustement à mon sens. Sans prétendre qu'il s'agit d'un chef-d'oeuvre, je pense que Café de Flore est un film qui s'adresse - Lelouch s'en réjouirait - au coeur plutôt qu'à l'intelligence. Qu'il s'agisse de l'amour attendrissant (et éventuellement obsessif) que Jacqueline ressent envers son enfant trisomique ou encore de la relation symbiotique que le DJ Antoine éprouve avec la musique (la trame sonore du film est tout simplement magnifique), il y a une énergie et une vitalité qui se dégagent de ce film, laissant une impression durable à celui qui le visionne.

Le jeu des acteurs est impeccable et il est rafraîchissant de voir de nouvelles têtes dans un film québécois. On découvre donc un Kevin Parent très convaincant et que j'espère revoir dans d'autres productions.

Bien sûr que la fable mystique sur le thème de la réincarnation a pu en déstabiliser plus d'un, mais faut-il rappeler que cette croyance est toujours très répandue au Québec (42% des Québécois croient à la réincarnation, selon une recherche rapide sur le web) et qu'elle est au coeur de l'hindouisme, notamment? Je ne vois donc pas en quoi l'exploration de ce thème serait si naïf ou "nunuche" (critique du journal Le Monde) que cela.

Par ailleurs, un des grands cinéastes de notre époque, l'Américain David Lynch, n'a-t-il pas lui aussi abordé le thème de la réincarnation dans certains de ses films, notamment Lost Highway (1997) et Mulholland Drive (2001)? Je ne crois pas que les films de Lynch n'aient été qualifiés de nunuche pour autant.














3 commentaires:

  1. Effectivement, ce film est d'une très belle sensibilité. Les critiques évacuent tout un pan de la réflexion du film qui porte plutôt sur le deuil et la résilience.

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  2. @ Valérie

    Oui, tu fais bien de rappeler que le deuil et la résilience sont des thèmes importants abordés dans le film, encore plus que celui de la réincarnation qui est à bien y penser plutôt secondaire....

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  3. Je n'ai pas vu Café de flore, mais ton article me donne envie de donner une chance à ce film. Lelouch est par contre un cinéaste que j'exècre; ses films sont mélodramatiques et ils exaltent une sentimentalité de guimauve. Je veux bien laisser aller mon coeur, mais pour cela il faut que le film s'adresse un tout petit peu à ma raison...
    Nicolas Bourdon

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