Nicolas Bourdon
Dans les conflits qui ont récemment opposé le gouvernement Charest à des employés du secteur public, des négociations entre les deux parties ont eu lieu. Dans une manchette du journal Le Soleil du 25 juin 2010, on pouvait lire ceci : « Le gouvernement québécois et le Front commun des employés de l'État sont parvenus à un accord sur les salaires hier soir. » Les employés de l’État avaient effectivement obtenu une hausse salariale de 7% sur sept ans et un mécanisme d’augmentation salariale lié à la croissance économique. On se souvient que les infirmières avaient à l’époque boudé l’offre patronale ; elles avaient continué à négocier et elles avaient finalement obtenu des bonifications satisfaisantes selon l’aveu même de la présidente de la FIQ, Régine Laurent.
Quand on compare cette situation à celle que vivent présentement les étudiants, on constate que c’est le jour et la nuit. Qui sont les étudiants pour le gouvernement ? Des moins que rien ? Pourquoi a-t-il accepté de négocier avec plusieurs groupes de pression, alors qu’il refuse de négocier avec un mouvement qui compte à l’heure actuelle 170 000 étudiants en grève ?
En 2009, le gouvernement avait décidé de verser 19 millions de dollars pour mettre fin à la grève de sept semaines des professeurs de l’UQAM et l’État avait aussi consenti 200 millions pour secourir l’université qui avait engouffré des sommes astronomiques avec son funeste projet de l’îlot Voyageur. Pour les étudiants, le gouvernement refuse de concéder du terrain. La ministre Beauchamp a bien consenti une bonification de 21 millions au programme de prêts, mais ce sont les universités qui devront trouver cette somme à même leur budget.
Le gouvernement n’a jamais véritablement négocié avec les étudiants. Lors de la Rencontre des partenaires de l'éducation, en décembre 2010, les dés étaient pipés. Le gouvernement posait alors la question suivante aux participants : « Quel principe devrait guider la hausse des droits de scolarité ? » La Table des partenaires universitaires, qui regroupe des associations étudiantes et la Fédération québécoise des professeurs d’université, avait décidé de claquer la porte estimant avec justesse que le gouvernement avait pris une décision ferme. Il est donc faux de dire que des négociations de bonne foi ont eu lieu comme le répètent jusqu’à plus soif les ténors du gouvernement.
Il faut aussi rappeler un point qu’on oublie trop souvent : le gouvernement Charest a déjà imposé une hausse des frais de scolarité. En effet, les frais sont passés de 1668 $ en 2007 à 2168 $ en 2012, ce qui constitue une augmentation de 30 % en cinq ans. Jean Charest et sa ministre Line Beauchamp veulent imposer un changement idéologique majeur au système universitaire québécois qui, jusqu’ici, avait imposé des droits de scolarité peu élevés pour favoriser l’accessibilité aux études supérieures et pour limiter l’endettement étudiant. Le gouvernement a deux choix devant lui : soit il fait preuve d’humilité et il décide de négocier de bonne foi avec les étudiants, soit il décide de rester ferme et d’aller immédiatement en élections ; l’augmentation des frais de scolarité devrait alors être un enjeu électoral majeur. Dans tous les cas, la situation actuelle ne peut être réglée sans qu’il y ait eu un débat véritable.
Pour le moment, l’attitude du gouvernement est irresponsable. Selon la Fédération étudiante universitaire du Québec, le conflit actuel aurait coûté 95 millions en salaires versés inutilement et 25 millions en effectifs policiers. On ne compte pas ici le fait que plusieurs étudiants vont sans doute devoir abandonner leur emploi d’été et que d’autres ne pourront pas suivre de cours d’été à cause de l’entêtement du gouvernement. À chaque point de presse ou presque, la ministre Beauchamp tente de rendre les étudiants les seuls responsables de l’enlisement du conflit actuel ; elle devrait faire un petit examen de conscience et réaliser qu’elle porte une grande part de responsabilité en refusant de négocier.
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