Cette semaine, je me permets de vous présenter deux extraits de l'ouvrage "Le savant et le politique", du célèbre sociologue allemand Max Weber (1864-1920).
C'est ce texte intéressant de Simon Jodoin (Voir.ca) qui m'a incité à relire des extraits du "savant et le politique". Dans le contexte du récent passage de François Rebello à la CAQ (lire mon blogue à cet effet), Jodoin rappelle une distinction importante que Weber dressait pour analyser les motivations de l'homme politique: le politicien guidé par une éthique de conviction et celui guidé par une éthique de responsabilité. Les premiers sont plus idéalistes et priorisent les valeurs et le respect de leurs promesses. Les seconds sont plus réalistes et sont capables de mettre de côté leurs idéaux si la situation l'exige.
Jodoin se porte ainsi à la défense de Rebello et laisse entendre que celui-ci a agit de manière responsable, comme si cela était préférable à l'éthique de conviction. Weber était en effet critique face à celui qui agirait uniquement guidé par la conviction , car il peut rapidement sombrer dans le sectarisme, voire l'autoritarisme. Mais Weber était le premier à reconnaître que l'action politique ne peut se passer d'un minimum de convictions et de valeurs. Par ailleurs, il était tout aussi critique de celui qui n'agirait uniquement guidé par l'éthique de la responsabilité. Voici deux extraits à cet effet, qui viennent nuancer les propos de Jodoin:
Par contre je me sens bouleversé très profondément par l’attitude d’un homme mûr -qu’il soit jeune ou vieux – qui se sent réellement et de toute son âme responsable des conséquences de ses actes et qui, pratiquant l’éthique de responsabilité, en vient à un certain moment à déclarer : « je ne puis faire autrement. Je m’arrête là ! » Une telle attitude est authentiquement [echt] humaine et elle est émouvante. Chacun de nous, si son âme n’est pas encore -entièrement morte, peut se trouver un jour dans une situation pareille. On le voit maintenant : l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l’une l’autre et constituent ensemble l’homme authentique, c’est-à-dire un homme qui peut prétendre à la « vocation politique ».
Ou encore:
Quant à la nature même de la cause au nom de laquelle l'homme politique cherche et utilise le pouvoir, nous ne pouvons rien en dire : elle dépend des convictions personnelles de chacun. L'homme politique peut chercher à servir des fins nationales ou humanitaires, des fins sociales, éthiques ou culturelles, profanes ou religieuses- Il peut également être soutenu par une solide croyance au « progrès » - dans les différents sens de ce terme - comme il peut récuser absolument cette croyance; il peut prétendre vouloir servir une « idée » ou refuser par principe la valeur des idées pour ne servir que les fins matérielles de la vie quotidienne. Dans tous les cas cependant, une croyance ou une foi est nécessaire, sinon - et personne ne peut le nier - le succès politique apparemment le plus solide rejoindra dans la malédiction l'inanité de la créature.
Alors que le phénomène des transfuges politiques a fait les manchettes dernièrement, voilà de sages propos qui invitent à la réflexion.
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