lundi 3 septembre 2012

Pool de campagne 2012

Félix-Olivier Riendeau

Les campagnes électorales sont devenues des spectacles médiatiques qui s'apparentent à des joutes sportives. C'est un peu désolant avouons-le, car un véritable débat sur des enjeux d'importance - les frais de scolarité par exemple - n'a pas été mené. Il est donc urgent que la campagne électorale se termine afin que nous retrouvions le temps de réfléchir de manière plus profonde. Christian Nadeau, professeur de philosophie à l'Université de Montréal, a rédigé un beau texte sur cette nécessité de "surmonter" ce 4 septembre, dans les pages du Devoir. Je vous invite à le lire.

Mes collègues et moi avons aussi cette tendance à suivre la campagne à la manière d'un match de hockey, puisque depuis quelques années, on remplit un pool électoral dans lequel nous devons faire nos prédictions. C'est un jeu risqué et incertain, car une élection réserve toujours son lot de surprises. Aux élections fédérale de mai 2011, je n'avais pas très bien réussi, en prédisant l'élection d'un gouvernement minoritaire et en sous-estimant considérablement la poussée du NPD. J'espère donc me reprendre cette année. Si vous voulez comparer mes résultats à ceux d'un "compétiteur", rendez-vous sur le blogue de Jean-Félix Chénier, un collègue du Collège de Maisonneuve.

Question 1 (12 points) Pour chacun des partis suivants, prédisez le pourcentage de vote et le nombre de député-e-s qui seront élu-e-s.

Parti
% vote (xy,z)
(+/- 1%)
# élu-e-s
(max : 125)
Parti libéral du Québec
             27%
               33
Parti québécois
            33,5%
               64
Coalition Avenir Québec
             25,5%
               25
Québec solidaire
              10%
                2
Parti vert du Québec
              2%
                0
Option nationale
              2%
                1

Question 2 (3 points)

a) Le parti formant le gouvernement sera: PQ.
b) Le gouvernement sera majoritaire.
c) Le parti formant l'opposition officielle sera le PLQ.

Question 3 (2points)

À quelle heure Radio-Canada annoncera-t-elle le parti formant le gouvernement? (à 5 minutes près) 22h37

Question 4 (2points)

Si leur parti devait perdre l'élection, est-ce que les chefs annonceraient leur retrait de la vie politique le soir même?


Chef
Oui/non
Jean Charest
 Oui
Pauline Marois
 Non
François Legault
 Non

Question 5 (11points) Quel parti remportera l'élection dans les circonscriptions électorales suivantes?


Circonscription
PLQ
PQ
CAQ
QS
ON
Sherbrooke
(Charest – Cardin)

    X



Gouin
(Girard – David)



    X

Mercier
(Poirier – Khadir)



    X

Laurier-Dorion
(Sklavounos – Bazin – Godbout– Fontecilla)
    X




Taschereau
(Gignac – Maltais – Asselin – Roy - Dorion)

   X



Nicolet-Bécancour
(Descôteaux -Mayrand – Martel – Aussant)




   X
L’Assomption
(Hébert - Nitoi -Legault)


    X


Trois-Rivières
(St-Amant - Benhabib – D’Amours)

   X



Laval des rapides
(Paquet – Bureau-Blouin – Cohen)

   X



St-Jérôme
(Bustamante - Robert -Duchesneau)


    X


Terrebonne
(Gingras - Traversy -Barette)


    X


·       Les candidat-e-s figurent dans le même ordre que les partis. Le candidat souligné est issu celui ayant gagné la dernière élection ou représentant le même parti.


Question bonus (1point) : François Rebello sera-t-il réélu?  NON

*****

Et pour en finir avec le vote stratégique...

Rarement ais-je vu une élection où la question du vote stratégique a pris une dimension si importante. J'ai moi-même publié un billet sur ce sujet dans mon blogue, en en soulignant la pertinence.

Après plusieurs débats avec amis et collègues, j'aimerais ajouter quelques commentaires. 

D'abord, il me semble que l'opposition entre vote de conviction et vote stratégique a quelque chose de stérile. Ainsi, un sympathisant de QS qui voterait pour le PQ dans une circonscription, afin d'éviter l'élection d'un député libéral, voterait-il de manière stratégique. Mais ne pourrait-on pas dire que dans les deux cas, l'électeur vote avec conviction? N'est-il pas possible d'avoir des sympathies pour plusieurs partis politiques? Pour ma part, je suis électeur dans Mercier et mon vote ira à Amir Khadir de QS. Si j'étais électeur dans Sherbrooke, mon vite irait au PQ et à Serge Cardin. Dans les deux cas, il y aurait une dimension stratégique ET une dimension affective dans mon vote. L'une ne s'oppose pas nécessairement à l'autre. Au fond, comme le professeur de philosophie Jocelyn Maclure le proposait cette semaine, peut-être serait-il temps de cesser d'opposer le vote stratégique au vote de conviction, pour plutôt privilégier le concept de vote délibératif.

Par ailleurs, on a beaucoup parlé de la division du vote au sein de la gauche progressiste et de ses effets sur le PQ. Le PQ a d'ailleurs beaucoup exploité cette question du vote stratégique, en insistant sur le fait que dans plusieurs circonscriptions, un vote pour un candidat de QS pourrait favoriser l'élection d'un candidat libéral. 

Le problème avec un tel raisonnement, c'est qu'il est parfois difficile de savoir quel sera l'effet d'un vote stratégique, c'est-à-dire d'en prévoir rationnellement le résultat. 

Il faut se rappeler que le vote stratégique est aussi considéré par les électeurs plus à droite. Plusieurs sympathisants libéraux risquent d'ailleurs de se tourner vers la CAQ, voyant que le PQ est actuellement sur le point de se faire élire. Le danger, c'est que si cette poussée stratégique n'est pas suffisamment forte, elle risque paradoxalement de favoriser l'élection du PQ, qui se faufilera de justesse entre ces deux partis. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je prédis l'élection du gouvernement péquiste majoritaire. L'effet de la division du vote à droite sera plus forte que l'effet de la division du vote à gauche.

Peu importe votre choix, je vous encourage donc à aller voter demain. Pour aider les indécis, je vous rappelle que de bons outils sont disponibles sur le Web pour comparer les programmes des partis, entre autres ce comparateur du Devoir.

***

Je vous fais une dernière prédiction (qui ne me vaudra pas de points dans mon pool). Le taux de participation sera beaucoup plus élevé que le taux anémique de 2008 (57%). On devrait certainement se retrouver au-dessus de 70%, un seuil plus "normal". Le DGE a déjà annoncé qu'un taux record avait été atteint lors du vote par anticipation.

vendredi 31 août 2012

Français: langue commune


Nicolas Bourdon

Ça y est, c’est reparti ! Les dignes descendants de Diane Francis et de Mordecai Richler reprennent du galon et y vont de commentaires incendiaires à l’égard du PQ. La semaine dernière, Jonathan Kay du National Post estimait que Madame  Marois était la plus « xénophobe des chefs de partis canadiens » et son collègue Chris Selley considérait qu’il « est évident que le plan de match du PQ est de dénigrer les minorités. » Serait-il pourtant trop demandé à ces virulents dénonciateurs de faire preuve à l’égard de la réalité québécoise d’un peu d’ouverture, eux qui nous en demandent toujours beaucoup ?  

Le français, faut-il le rappeler est mal en point au Québec, et il l’est encore plus à l’échelle du Canada. Guillaume Marois de l’INRS rappelait récemment que la proportion des personnes parlant le français à la maison sur l'île de Montréal est passée de 56% à 54% entre le recensement de 2001 et celui de 2006. Les données du mathématicien et chercheur Charles Castonguay sont encore plus inquiétantes : elles indiquent qu’en 2006 les francophones n’étaient plus que 79,1 % dans l’ensemble du Québec, 65 % dans la région de Montréal et 49 % sûr l’île de Montréal. À l’échelle du Canada, le pourcentage des francophones a chuté de façon drastique : en 1951, le pays comptait 29,1% de francophones et il n’en compte plus que 21,6%. Le PQ et Option nationale proposent d’étendre la loi 101 au cégep ; cette mesure serait la bienvenue, car, comme le rappelle le chroniqueur Michel David et une étude de l'Institut de recherche sur le français en Amérique, la langue parlée au travail, à la maison et dans les commerces est fortement corélée au fait de fréquenter un cégep anglais ou français.

La proposition du PQ est courageuse et souhaitable, mais elle ne semble pas faire consensus bien que le français soit en perte de vitesse au Québec. Les détracteurs de ce projet y voient une attaque aux libertés individuelles - certains vont même à parler de « dictature » et de « fascisme » ! - car, estiment-ils, l’État impose une loi qui va à l’encontre de la liberté de choisir sa langue d’enseignement ; selon eux, l’État ne devrait pas se mêler d’un choix strictement individuel. Cet argument n’est pas convaincant, car le cégep est subventionné à 100% par l’État et il est donc légitime que la collectivité se prononce sur la nature qu’elle veut donner au cégep. Mais les adversaires d’une loi 101 renforcée répliqueront que la vitalité de la langue française au Québec est une responsabilité essentiellement individuelle. Si le français se porte si mal au Québec, c’est que chaque Québécois individuellement est paresseux et n’est pas assez fier de sa langue: il ne prend pas la peine de se corriger lorsqu’il commet une erreur, il manque d’humilité et il est frustré lorsqu’il se fait corriger par un Français de France qui parle mieux la langue de Molière que lui. Une loi contraignante comme la loi 101 n’est donc d’aucune utilité, il faut plutôt atteindre la source du problème : « les mentalités ».

On voit immédiatement l’inanité d’un tel argument (que j’ai notamment entendu dans la bouche de Maxime Bernier); en fait, lorsqu’un politicien souhaite « agir sur les mentalités » tout en n’imposant aucune loi pour que ces mentalités changent, vous pouvez être certain que le politicien en question ne souhaite aucun changement véritable : c’est un peu comme un professeur qui recommanderait à ses étudiants de lire un roman de Balzac, mais qui n’évaluerait pas la compréhension de leur lecture ; aucun étudiant ne prendrait la peine de le lire. De plus, c’est oublier que le problème essentiel n’est pas que les Québécois maganent la langue de Molière, mais que des milliers d’entre eux vivant dans la grande région de Montréal utilisent uniquement l’anglais dans leurs communications de tous les jours. N’imposer aucune loi pour assurer la pérennité du français au Québec, c’est aussi tenter de transformer un problème collectif en un problème que chaque individu devrait héroïquement régler par lui-même sans que la collectivité ne vienne supporter ses efforts par une législation conséquente. Et pourtant comme l’observait Hubert Aquin en 1962 dans la « Fatigue culturelle du Canada français » : « Si le défi individuel que chaque Canadien français tente en vain de relever dépend de la position du groupe canadien-français considéré comme totalité, pourquoi faut-il relever ce défi collectif comme s’il était individuel ? »

J’observe aussi que plusieurs des opposants à la loi 101 et à son extension au cégep estiment qu’elles constituent une sorte de « tricherie » avec la nature : il faudrait laisser aux individus le libre choix de la langue d’enseignement et on constaterait ensuite si le français est assez fort pour survivre. Selon cette conception darwinienne de la langue et de la culture, il ne faut surtout pas tenter artificiellement, par une intervention de l’État, de supporter le français si cette langue est incapable de compétitionner avec l’anglais ; cela ne serait pas naturel. Selon cette vision, véhiculée notamment par les membres du Réseau liberté Québec d’Éric Duhaime et de Johanne Marcotte, la culture devrait être considérée comme n’importe quelle marchandise et être soumise aux lois du marché : de l’avis de ces libertariens, une intervention de l’État en culture est toujours considérée comme une excroissance bizarre et artificielle. Mais c’est penser la loi 101 en dehors de la culture alors que cette loi est précisément une émanation de la culture québécoise qui, pour ne pas mourir, a décidé de s’adapter - pour reprendre le vocabulaire darwinien - en protégeant sa langue. Lorsque la loi 101 a été adoptée en 1977, le peuple québécois a décidé que la langue était d’une importance capitale à la vigueur de son épanouissement culturel et que, par conséquent, elle ne saurait être le jouet des désirs individuels.

***

L’anglais, langue de l’ouverture

Il y a quelque chose de surréaliste à entendre les pourfendeurs d’une loi 101 renforcée : on vilipende notre fermeture d’esprit, notre repli identitaire, voire notre racisme. Et pourtant la loi 101, même dans la version renforcée du PQ, permet aux parents de la communauté anglophone de faire éduquer leurs enfants en anglais, et pourtant l’étudiant du système francophone est exposé à des centaines d’heures d’anglais langue seconde lors de son parcours scolaire du primaire au cégep. Le problème est plutôt l’inverse : finalement, bien peu de choses ont changé depuis les années 1960 : nous sommes collectivement obsédés par l’anglais et nous considérons encore cette langue comme étant bien plus essentielle à maîtriser que notre langue maternelle ; après tout, elle est la langue par excellence de l’ouverture à l’autre et la langue des affaires : les employés de la section des technologies de l’information de la Banque nationale, s’ils ne le savaient pas encore, l’ont appris lorsqu’on les a obligés à parler uniquement anglais pour pouvoir communiquer avec leur patron unilingue anglais, on a aussi confirmé aux étudiants des HEC que « les affaires, ça se passe en anglais » lorsque les HEC ont décidé de créer une maîtrise dispensée uniquement dans la langue de Shakespeare.

Nous devons bien avoir l’esprit fermé à toute autre chose que l’anglais pour considérer que cette langue est le seul chemin possible menant à « l’ouverture ». Je crois que les chemins menant à « l’ouverture » sont multiples (je suggère pour ma part la fréquentation des grands romanciers russes) et qu’ils ne passent pas nécessairement par l’anglais. Il n’y a aussi aucune raison pour que l’anglais soit la langue des affaires : le français devrait être parlé à l’intérieur de chaque entreprise québécoise et l’anglais parlé uniquement lorsqu’on doit s’adresser à des partenaires à l’extérieur du Québec.

Ce lundi 27 août 2012, Jean Charest a semblé avoir une illumination et avoir enfin compris que l’état du français dégringolait au Québec : il affirmait qu’il voulait entreprendre des négociations avec Ottawa pour assujettir à la loi 101 les entreprises à charte fédérale, mais, le lendemain, il effectuait une volte-face sidérante en laissant entendre que le Québec avait deux langues officielles alors que le gouvernement libéral de Robert Bourassa a fait du français la seule langue officielle du Québec en 1974 ! Clairement, les libéraux ont complètement abandonné la défense du fait français et ils ont décidé « d’agir sur les mentalités », c’est-à-dire de ne rien faire. Les deux seuls partis qui ont une politique cohérente en matière de défense du français sont Option nationale et le Parti québécois : pour les francophones et les allophones, le français doit devenir la langue d’enseignement du primaire au cégep inclusivement et elle doit être la seule langue parlée au travail. C’est la seule façon de faire du français la véritable langue commune des Québécois ; une langue qui n’est parlée qu’en privé, à la maison, est une langue morte ou agonisante ; c’est ce phénomène qui se produit présentement au Canada hors Québec où, hormis sur les pancartes routières, l’existence publique du français est moribonde. A-t-on vraiment envie que cela se produise ici ?      








jeudi 16 août 2012

Élections septembre 2012: le coeur ou la raison?

Félix-Olivier Riendeau

À l'approche du scrutin provincial du 4 septembre 2012 -comme à chaque fois lors d'élections - une discussion s'amorce à savoir s'il faut voter avec le coeur, c'est-à-dire pour le candidat dont les valeurs rejoignent le plus nos préoccupations d'électeur, ou s'il faut voter de manière plus rationnelle et stratégique pour un candidat dont les idées sont plus éloignées de nos convictions, mais dont la victoire contribuerait à déloger un gouvernement qu'on abhorre.

Quelques textes intéressants ont été rédigés sur cette question dernièrement, notamment celui du cinéaste Bernard Émond, dans le journal Le Devoir ou encore la réplique que lui a adressé C.J. Simard.

D'un côté, les défenseurs du vote stratégique soutiennent qu'en ne divisant pas le vote de gauche dans plusieurs circonscriptions, les libéraux de Jean Charest seraient rapidement écartés du pouvoir. À chaque élection, des progressistes appellent à voter pour le "moins pire" des partis social-démocrate, en l'occurrence le PQ, afin de chasser la droite du pouvoir. Ainsi, en 2008, si tous les partisans de Québec solidaire et du Parti vert s'étaient plutôt tournés vers le Parti québécois, jamais le Parti libéral n'aurait formé le gouvernement. Pour les élections de septembre 2012, la situation pourrait se reproduire. Dans plusieurs circonscriptions, la division du vote entre le PQ et QS risque de favoriser les libéraux. C'est le cas par exemple de Laurier-Dorion, où les projections donnent le candidat libéral gagnant, avec 33,3% des intentions de vote, alors que le P.Q. récolte 33,1% et Q.S 14,9%. C'est aussi le cas dans Argenteuil.

De l'autre, on refuse de se ranger à cette logique froide qui s'apparente à une fraude idéologique. N'est-ce pas le PQ qui, depuis 1976, promet qu'il va réformer le mode de scrutin? N'est-ce pas lui qui a régulièrement profité de notre mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour (en 1998, il forme un gouvernement majoritaire avec 42,9% des voix, alors que les libéraux récoltent 43,6%) et qui n'a pas intérêt à ce que la situation change? Pour plusieurs, le PQ est un parti usé, trop près de l'establishement financier et qui a un a pris un trop grand virage à droite. Dans ce contexte, argue-t-on, pourquoi la gauche aurait-elle intérêt à voter PQ? Pourquoi ne serait-ce pas plutôt les partisans du PQ qui devraient massivement migrer vers QS? Après tout, le NPD a réussi un raz-de-marée plus qu'étonnant sur la scène fédérale lors des élections de mai 2011, alors pourquoi QS ne pourrait-il pas réaliser la même chose?

Un dilemme embêtant


Il n'est pas facile de trancher dans ce débat.  Pour y contribuer, j'aimerais souligner un certain nombre d'idées.

D'abord, lorsque j'analyse le programme du Parti québécois, j'y vois encore de nombreuses propositions de gauche, qu'il s'agisse d'imposer des redevances minières sur la valeur brute des ressources, de geler les tarifs pour les garderies à 7$, d'abolir la hausse des frais de scolarité et la taxe santé annuelle de 200$, de nationaliser l'énergie éolienne ou d'établir un financement presqu'exclusivement public des partis politiques. Par ailleurs, soutenir que les péquistes sont aussi corrompus que les libéraux m'apparaît injuste. Une récente étude du Directeur général des élections démontrait d'ailleurs que les dons au Parti québécois ne variaient pas lorsqu'ils passaient de l'opposition au gouvernement, alors que ceux offerts aux libéraux doublaient. Au risque d'apparaître jovialiste, je crois que les valeurs progressistes pourraient cheminer au sein d'un gouvernement du Parti québécois et qu'il pourrait mettre un frein à la corruption dans l'appareil public.

Ensuite, d'aucuns estiment qu'il est urgent de réformer notre mode de scrutin, car c'est lui qui contribuerait à rendre le vote stratégique incontournable. Cette perception n'est certes pas dénuée de fondement, mais elle est simpliste. C'est ce qu'expliquait dernièrement André Blais, un expert des systèmes électoraux de l'Université de Montréal. Dans un système à deux tours par exemple, certains électeurs sont parfois tentés de voter pour un parti marginal au premier tour (afin de l'encourager), convaincu que leur parti préféré passera de toute manière au second tour. C'est peut-être ce qui explique le fait que lors des élections présidentielles françaises de 2002, Lionel Jospin et les socialistes n'avaient pas atteint - contre toute attente - le deuxième tour pour y affronter Jacques Chirac.

La multiplication des partis politiques est aussi problématique (vingt sont autorisés actuellement au Québec!). Non seulement cela contribue à la fragmentation du vote au profit des grands partis, mais cela est aussi révélateur d'une attitude paradoxale par rapport au jeu politique. Puisqu'on ne se reconnaît plus dans les grandes organisations et qu'il faudrait idéalement voter avec son coeur, la tentation de fonder son parti à la manière d'un forfait à la carte est grande. Ici je me propose de citer une belle réflexion de Bernard Émond:

" Il est paradoxal que des gens qui disent défendre le bien commun mettent au-dessus de tout l’expression individuelle de leurs préférences. Le vote n’est pas un mode d’expression personnelle, c’est un geste politique qui ne peut avoir que des résultats limités. Limités, mais non sans conséquences."

Voter avec son coeur peut donc à prime abord apparaître comme vertueux, alors qu'au fond, cela témoigne d'un refus de l'inévitable imperfection politique, voire d'une certaine forme d'individualisme.

J'invite donc mes concitoyens à considérer le vote stratégique dans certaines circonscriptions très serrées, de façon à s'assurer que les libéraux soient chassés du pouvoir.

Après les élections, il faudra inlassablement continuer de revendiquer une réforme du mode de scrutin (les sytèmes mixtes ou les votes préférentiels sont les avenues les plus prometteuses), plutôt que de mettre ses énergies à fonder de nouveaux partis.  Il faudra aussi rappeler au Parti québécois - s'il est élu - sa promesse d'instaurer des élections à date fixe (qui est loin d'être suffisante, mais c'est un début) et mettre de la pression sur le député de Marie-Victorin Bernard Drainville, afin qu'il mette en place la réforme ambitieuse des institutions démocratiques qu'il proposait l'année dernière.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'est même pas certain que la population québécoise serait intéressée par une réforme du mode de scrutin. Dernièrement, les citoyens de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont refusé d'adopter un mode de scrutin proportionnel, par la voie d'un référendum. Il y a donc aussi un travail de sensiblisation de l'opinion publique à faire par rapport à cet enjeu

Enfin, peut-être faudrait-il qu'il y ait davantage d'ententes électorales entre les partis progressistes, à la manière de celle qui a eu lieu entre Québec solidaire et Option nationale, dans les circonscriptions de Gouin et Nicolet Bécancour.  À cet égard, on se désole de voir que le Parti québécois et Québec solidaire ne soient pas parvenus à faire la même chose.

Bonne réflexion et surtout, bon vote!