vendredi 5 octobre 2012

Barack Obama a-t-il déçu?

Félix-Olivier Riendeau

Barack Obama a-t-il déçu durant son premier mandat au pouvoir? C'est la question que plusieurs se posent à un mois de l'élection présidentielle de novembre.

Si la réponse ne fait pas de doute - oui, il a été décevant - les raisons pour expliquer cette déception sont plus difficiles à cerner. Deux me viennent spontanément à l'esprit.

Conjoncture et culture politique américaine

Lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2008, l'engouement autour de sa personnalité charismatique était impressionnant. Ses qualités de tribun, sa jeunesse et la couleur de sa peau avaient tout pour susciter les passions. Ajoutons à cela une course aux primaires démocrates parmi les plus longues de l'histoire politique américaine et dont le résultat ne pouvait être qu'une première: une femme (Hillary Clinton) ou un noir allait devenir candidat à la présidence. 

Pour gagner l'élection contre son adversaire républicain John McCain, Obama avait su utiliser mieux que quiconque les nouvelles technologies de l'information. Il pouvait aussi compter sur la mobilisation hors-pair de sa base militante, de même que sur une cagnotte impressionnante: sa campagne de 2008 étant en effet devenue la plus dispendieuse de l'histoire américaine. Une fois la bataille contre McCain gagnée, Obama s'installait à la Maison Blanche dans un contexte difficile à plusieurs égards (crise économique, guerre en Irak, guerre en Afghanistan), mais favorable à d'autres puisque l'écoeurement à l'endroit de son prédécesseur  George W. Bush était élevé.

En bon politicien, Obama avait tenté d'exploiter au mieux les difficultés liées à la conjoncture économique particulière de 2008, en misant sur des slogans comme "Yes we can" ou "Change we can believe in". Bien souvent, une crise (politique, économique, sociale) peut en effet devenir un élément positif dans le parcours d'un leader. Elle lui permet de jouer plus facilement la carte du rassembleur. Elle lui permet aussi de tabler sur le sentiment de découragement, voire de désespoir des électeurs. Plusieurs présidents ont acquis leur grandeur de cette manière: pensons à Abraham Lincoln avec la Guerre de Sécession, ou encore à Franklin D. Roosevelt et la crise économique de 1929.

Mais en 2008, la "balloune" d'espoirs gonflée par Obama était devenue tellement grosse qu'elle risquait à tout moment de lui éclater au visage. Aujourd'hui, nous en sommes-là. En 2008, Obama a fait une série de promesses qu'il a eu de la difficulté à remplir par la suite et on lui reproche donc son faible bilan.

Ce qui nous mène à un des paradoxes frappants de la culture politique américaine.

D'un côté, l'électeur moyen se méfie de l'élite politique et de toute intervention exagérée des autorités publiques dans sa vie. La culture du "self made-men" et du bon père de famille qui doit veiller sur ses  proches par lui-même (pensons au 2e amendement de la Constitution) est toujours très forte aux États-Unis.

De l'autre, il semble que jamais dans l'histoire américaine n'a-t-on autant attendu et espéré de la part d'un président. J'ai parfois l'impression que les électeurs américains exigent l'impossible de leur chef d'État. Celui-ci devrait donc être en mesure de résoudre une crise économique de nature mondiale sur laquelle il a, somme toute, peu de contrôle. Il devrait être celui qui préserve le statut de superpuissance des États-Unis.

On oublie que même les grands présidents doivent leurs succès à une part d'impondérables (ce que Machiavel appelle la fortune). Ainsi, il n'est pas faux de prétendre que c'est le New Deal de Roosevelt (ce vaste de plans de réformes interventionnistes mis en place dans les années 1930) qui a contribué à résoudre la crise de 1929. Au final, c'est toutefois la Seconde Guerre mondiale qui a agit à la manière d'un électrochoc sur l'économie américaine.

Se pourrait-il que plusieurs électeurs américains vivent dans le déni? Ne devrait-on pas admettre que les États-Unis amorcent - depuis plusieurs années - une phase de déclin (voir là-dessus le formidable ouvrage de Paul Kennedy "Naissance et déclin des grandes puissances") qu'aucun président ne sera en mesure de stopper? Ce constat à l'esprit, peut-être jugerions-nous moins sévèrement le bilan des années Obama.

L'écart entre les promesses d'Obama et ses réformes

En 2008, les promesses furent nombreuses. Plusieurs d'entre-elles ont été tenues. La plus importante est certainement celle de mettre en place une couverture de soins de santé universelle. Même s'il a dû édulcorer passablement sa réforme, il n'en demeure pas moins que les Américains doivent aujourd'hui obligatoirement contracter une assurance-maladie. En contre-partie, les compagnies d'assurances sont assujetties à de nouvelles règles, notamment l'impossibilité de refuser une assurance à un client pour des raisons de santé. En matière de santé, Obama a aussi respecté sa promesse d'autoriser à nouveau la recherche sur les cellules souches (interdite par Bush).

En matière de politique étrangère, Obama avait promis de retirer les troupes d'Irak, de réduire le contingent de soldats en Afghanistan et de continuer la chasse à Oussama Ben Laden. De ce côté, il a livré la marchandise. Par contre, les négociations de paix israélo-palestiniennes sont au point mort et Obama n'a pas doublé l'aide des États-Unis aux pays étrangers.

En matière économique, rappelons-nous que c'est Obama qui a mis sur pied un vaste plan de sauvetage - réclamé à grands cris- de l'industrie automobile (GM, Chrysler), sauvant par-là des milliers d'emplois. Ce ne fut toutefois pas suffisant pour maintenir le taux de chômage en deçà de 8%, une autre de ses promesses. Obama a aussi renouvelé les baisses d'impôts pour les faibles revenus, mais n'a pas haussé ceux des plus riches (en fait, il a prolongé leurs exemptions fiscales). Enfin, la réforme des institutions financières (Wall Street) fut partielle. Les règlementations ont été resserrées avec la loi Dodd-Frank, mais la mise en application de cette loi se fait au ralenti.

Bien sûr, la grande question est de savoir dans quelle mesure Barack Obama est-il responsable de n'avoir pu réaliser plusieurs de ses promesses. Faisant face à une majorité républicaine au Congrès, ses adversaires ont tout fait pour l'empêcher de réaliser quoi que ce soit de substantiel. Rappelez-vous que le Congrès avait, entre autres, attendu jusqu'à la toute dernière minute pour rehausser le plafond de la dette américaine, une mesure qui était pourtant indispensable.

C'est là la grandeur et la misère du système politique américain. En vertu du principe du Checks and Balances, les pouvoirs du président sont très encadrés par ceux du Congrès. L'avantage, c'est qu'il est difficile pour un président américain d'abuser de ses fonctions. Le désavantage, c'est qu'il devient parfois impossible de mettre en place des réformes ambitieuses.

Il ne faut donc pas négliger l'immense responsabilité des républicains dans les difficultés qu'éprouvent les États-Unis en ce moment. Non seulement n'ont-ils offert aucune collaboration à Barack Obama au cours de ses quatre années au pouvoir, rappelons-nous aussi à quel point les républicains de George W. Bush ont laissé à Barack Obama un déficit monstre à son arrivée au pouvoir.

Les chances de réélection de Barack Obama ne sont certes pas assurées. En fait, depuis 1945, aucun président n'a été réélu avec un taux de chômage supérieur à 8%. Obama fera-t-il encore l'histoire? On le verra bien.

Au final, je crois toutefois que le positionnement trop à droite de Mitt Romney jouera en sa défaveur. Ses déclarations sur le fait que 47% des Américains seraient des assistés sociaux vivant au crochet de l'État le rattraperont, de même que ses liens passés avec le fonds d'investissement Bain Capital.

Dans le débat présidentiel de mercredi soir, plusieurs se sont d'ailleurs demandé pourquoi Obama n'avait pas exploité ces histoires. À mon sens, la réponse est simple: Obama ne voulait pas dégager une image d'arrogance et il se garde des munitions pour les deux autres débats qui doivent encore être tenus dans les prochaines semaines. 

Ma prédiction, c'est que cet uppercut sera livré dans le troisième et dernier round!

Voici un extrait du premier débat, sur le thème du rôle de l'État dans l'économie.



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