mardi 20 décembre 2011

Le décès oublié

La fin de semaine dernière, on apprenait la mort du dictateur nord-coréen Kim Jong-Il. Cette nouvelle est d'ailleurs celle qui, dans la journée d'hier, a eu le poids médiatique le plus lourd dans les médias canadiens, selon Influence Communication.

Cela n'est pas surprenant. Kim Jong-Il est depuis 1994 à la tête d'un pays incroyablement refermé sur lui-même, dans lequel la propagande, le contrôle de l'information et le culte de la personnalité occupent une place prépondérante. Impossible par exemple d'avoir accès à une émission de télévision ou de radio étrangère en Corée du Nord. On trouve aussi des hauts-parleurs dans les campagnes qui diffusent des messages faisant l'éloge du régime et du leader ("longue vie au cher dirigeant Kim Jong-Il", "le socialisme est une science"...). Par ailleurs, dès la petite école, les vertus du communisme sont enseignées et des prières sont adressées à Kim Jong Il, ce "Cher leader". Imagine-t-on avoir à louanger les vertus de Stephen Harper, dès la maternelle? C'est clair, le régime nord-coréen a de quoi fasciner et inquiéter. Nulle part ailleurs ne trouve-t-on un régime politique si contrôlant.

Malgré les questions importantes qui sont soulevées par la mort de Kim Jong-Il (avenir du programme nucléaire, relations avec la Corée du Sud...), cela a malheureusement détourné l'attention d'un autre décès qui devrait pourtant nous faire réfléchir: celui de Vaclav Havel, président de la Tchécoslovaquie de 1989 à 1992 et de la République tchèque de 1993 à 2003. Il était la principale figure de la "Révolution de velours" en 1989.

Le fossoyeur du communisme à Prague

Il y a un paradoxe étonnant dans les décès presque simultanés de Kim Jong-Il (samedi le 17 décembre) et de Vaclav Havel (dimanche le 18 décembre). Le premier était à la tête d'un des derniers régimes communistes de la planète. Selon toute vraisemblance, Kim Jong-Il serait même né en Russie dans un camp communiste, vers 1941. Décidément, il avait le communisme dans le sang!

Le second est une figure centrale de la dissidence au régime communiste que l'Union soviétique cherche à imposer à la Tchécoslovaquie, avec le coup de Prague en 1948 et l'invasion de Prague en 1968. Cet écrivain et dramaturge devient en 1977 l'un des porte-paroles d'un mouvement de défense des droits de l'homme qui rédige la Charte 77, une pétition destinée à mettre des pressions sur les autorités communistes. Havel est finalement emprisonné pendant cinq ans pour son opposition. Il y rédige alors un essai critique intitulé "Le pouvoir des sans pouvoirs". En 1989, peu après la chute du Mur de Berlin, Havel prend la tête des opposants au communisme (le Forum civique) et est propulsé à la présidence du pays.

Ce qu'il y a d'intéressant et qui porte à réfléchir dans le parcours de Havel, c'est que la route vers le pouvoir ne lui était pas toute tracée, contrairement à celle-de Kim Jong Il qui hérite du pouvoir de son père Kim Il-sung en 1994. Bien sûr, Vaclav Havel vient d'une famille bourgeoise et fortunée, mais celle-ci est justement dépossédée de ses biens suite au coup de Prague en 1948. Havel a aussi exercé plusieurs métiers (en plus d'être auteur, il a été machiniste et éclairagiste), alors que Kim Jong-il a fait partie de la nomenklatura du Parti des Travailleurs de Corée (PTC) dès sa jeunesse. À travers ses poèmes et ses pièces, Havel a fait réfléchir et a développé la culture de son peuple, alors que Kim Jong-il a maintenu le sien dans l'obscurité et la famine.

En fin de semaine dernière, c'est la photo de Vaclav Havel qui aurait dû faire la une des journaux, pas celle de Kim Jong-Il.





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