mardi 21 février 2012

Brèves réflexions sur l'affaire Lisée-Germain

Une petite polémique a récemment éclatée entre d'un côté le blogueur et ancien conseiller politique Jean-François Lisée, et de l'autre l'écrivain Georges-Hébert Germain. Ce dernier vient tout juste de lancer une biographie sur l'ancien premier ministre du Québec (1970 à 1976, 1985 à 1994), Robert Bourassa.

Au même moment, Jean-François Lisée a décidé de rééditer, dans un format abrégé, l'ouvrage en deux tomes qu'il avait lui-même fait paraître sur Robert Bourrassa en 1994 (Le Tricheur et Le Naufrageur).

Pour sa part, Germain accuse Lisée d'envahir son espace promotionnel et lui reproche d'avoir transformé Le Tricheur et Le Naufrageur en oeuvre de fiction. Germain accusait (il s'est rétracté depuis) aussi Lisée d'avoir été en situation de conflit d'intérêt au moment de la rédaction du Naufrageur, puisqu'il était conseiller politique de Jacques Parizeau.

Lisée a qualifié cette accusation de répugnant mensonge et rappelle que Le Naufrageur est paru en juin 1994 alors qu'il est devenu conseiller de Parizeau en septembre de la même année. Lisée défend aussi la pertinence de la thèse qu'il défend dans son livre, c'est-à-dire que Bourassa aurait malicieusement laissé croire aux Québécois qu'il était ouvert à la possibilité que le Québec devienne un État souverain. Au moment où il négociait l'accord constitutionnel du lac Meech, Bourassa aurait toutefois donné des assurances au Canada anglais qu'il ne ferait jamais la souveraineté, s'enlevant de cette façon tout rapport de force dans ses négociations.

Je n'ai lu aucun de ces ouvrages (même si le livre de Lisée est sur mes rayons de bibliothèque depuis un an!), alors je me garderai une réserve sur le fond du débat. Je peux toutefois faire remarquer un certain nombre de choses:

1. Georges-Hébert Germain est un braillard: Je ne vois pas ce qu'il y a de si odieux à ce que Lisée réédite un ouvrage sur Bourassa en même temps que celui de M. Germain. Le marché du livre est un marché comme les autres et je ne vois pas en quoi une saine compétition est problématique à ce niveau. Lisée a tout à fait le droit de s'opposer au portrait complaisant et admiratif que Germain a voulu dresser de Bourassa.

À cet égard, j'ai éclaté de rire ce matin à l'écoute de Mario Dumont sur les ondes du 98,5 FM. Cette figure de droite normalement très favorable au libre-marché et au jeu de la concurrence trouvait lui aussi la manoeuvre de Lisée de malhonnête.

2. Bourassa n'est effectivement pas qu'un monstre et un tricheur:

Lisée est un souverainiste et on peut comprendre que son analyse sur le parcours de Bourassa ait pu être teintée par cette couleur. La volonté de certains fédéralistes de vouloir éditer un ouvrage "réhabilitant" le parcours de Bourassa est compréhensible et de bonne guerre. Il y a en effet eu d'importantes réformes sous Bourassa, qu'il s'agisse de l'entrée en vigueur de l'assurance-maladie, de l'aide-juridique, du développement de la Baie-James, de l'amélioration du régime d'allocations familiales ou de la création des CLSC (Centres locaux des services communautaires). Je n'ai rien contre le fait qu'on veuille rappeler cet héritage.

3. Les historiens doivent investir davantage le champ de la biographie des personnalités politiques:

Corrigez-moi si je me trompe, mais de nombreuses biographies de personnalités politiques québécoises ont été rédigés par des journalistes ou des essayistes.

La célèbre biographie de René Lévesque en quatre tomes a été rédigé par un journaliste, en l'occurrence Pierre Godin. Celle sur Jacques Parizeau, par le journaliste Pierre Duchesne. Dernièrement, André Pratte, un autre journaliste, a rédigé un ouvrage sur Wilfrid Laurier. Des historiens se sont bien penchés sur le cas de Maurice Duplessis (Conrad Black et Robert Rumilly), mais trop peu d'ouvrages ont été faits sur ce dernier.

Bref, il me semble qu'il y a là un champ d'étude négligé par les historiens québécois.

M. Germain s'est lui-même qualifié de "portraitiste" et a tenté de minimiser par-là le fait qu'il y ait eu plusieurs erreurs factuelles dans son ouvrage. Son but consistait davantage à montrer le côté émotif et sensible de l'homme. Je suis mal à l'aise avec cette approche "people" et sensationnaliste de la biographie. Il me semble qu'un historien (ou un politologue) ferait un travail plus rigoureux et scientifique à cet égard.

En terminant, je vous présente un extrait d'un reportage de Jean-François Lisée présenté il y a plusieurs années à Radio-Canada, dans lequel il présente un portrait de Robert Bourassa. La suite sur You Tube....


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