vendredi 26 août 2011

Drainville, Curzi, Lapointe et Beaudoin: même combat?

L'intention de départ est différente. Le résultat est le même. D'un côté, le député de Marie-Victorin Bernard Drainville qui prétend vouloir renouveler le Parti québécois, lui redonner son aura réformiste des années 1970. De l'autre un groupe de démissionnaires - Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin en tête - qui cherche une voie nouvelle vers la souveraineté et un parti plus à l'écoute. Résultat? Jean Charest se dirige directement vers un quatrième mandat.

Les luttes internes au Parti québécois ne sont pas nouvelles; elles font partie de son ADN. En 1967, on se rappelle que le MSA (Mouvement Souveraineté Association) de René Lévesque avait refusé de s'allier avec le RIN (Rassemblement pour l'indépendance nationale) de Pierre Bourgault. Après la fondation du PQ en 1968, les rapports entre Lévesque et Bourgault et Lévesque ont toujours été difficile. L'historien Robert Comeau rappelait cette période dans un très bon texte la semaine dernière.

Ces luttes internes n'étaient pas en soi néfastes. Elles faisaient - et font toujours - du PQ un parti vivant et intéressant, contrairement au Parti libéral du Québec où règne une inconfortable loi du silence. Sauf que là, on assiste à une véritable descente aux enfers, le Parti québécois ne récoltant que 18% des intentions de vote!

Les démissionnaires

Commençons par les démissionnaires. Rappelons-nous que la raison officielle de leur départ était l'opposition au projet de loi 204, parrainé par Agnès Maltais, visant à protéger l'entente entre Quebecor et la Ville de Québec dans le dossier de l'amphithéâtre. En gros, Curzi, Beaudoin et Lapointe dénonçaient l'atmosphère irrespirable au sein du parti. Plus officieusement toutefois, le bras de fer entre Mme. Lapointe et Pauline Marois au sujet de l'article 1 du programme du parti n'a pas non plus arrangé les choses. La première voulait que le PQ s'engage à tenir un référendum sur la souveraineté "le plus rapidement possible", la seconde souhaitait le tenir "au moment jugé approprié". C'est finalement la seconde qui a eu le dessus.

En annonçant leur départ, ces trois figures importantes du parti ont affirmé qu'ils quittaient au nom de leur conscience et du sens de la justice. Sans mettre en cause leurs nobles intentions, je crois toutefois qu'ils ont commis une énorme bourde en quittant de cette manière. À un moment où le PQ aurait pu avoir de réelles chances de reprendre le pouvoir, le contexte étant nettement défavorable à Jean Charest en raison des multiples scandales dans le domaine de la construction, le PQ se divise une fois de plus et perd toute crédibilité aux yeux de la population. Par ailleurs, il laisse le champ libre à François Legault, qui si l'on en croit les derniers sondages, vient de passer en tête des intentions de vote. À moyen terme toutefois, je crois que la CAQ (Coalition pour l'avenir du Québec) de Legault s'essoufflera et ce n'est de toute manière pas encore officiellement un parti politique. Le gagnant de cette mathématique est Jean Charest, qui pourrait être sérieusement tenté de déclencher des élections cet automne.

Et la sortie de Bernard Drainville

Bernard Drainville fait toujours partie du PQ. Il est un de ceux qui a eu le courage de rester, tout en se permettant lui aussi des critiques à l'endroit de son parti. Cherchant un ton plus constructif, il vient de déposer un document de réflexion qui se détaille en dix propositions. Il suggère entre autre que des élections se tiennent à date fixe, que le premier ministre soit élu au suffrage universel, qu'un référendum sur le mode de scrutin soit tenu (Drainville privilégie une forme de représentation proportionnelle) et qu'un processus de référendum d'initiative populaire soit instauré. En bref, l'esprit de son document, c'est de redonner du pouvoir aux citoyens, à travers différents mécanismes.

Les idées présentées par Bernard Drainville sont excellentes. Par contre, il n'y a rien de nouveau dans son document. L'idée de rénover le mode de scrutin est dans les livres du Parti québécois depuis les années 1970, époque où Robert Burns était le ministre d'État responsable à la réforme électorale! Les élections à date fixe, Claude Béland, André Larocque et le MDCQ (Mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec) en parlent depuis des lunes, tout comme l'idée d'instaurer des référendums d'initiative populaire.

Le problème avec sa sortie, c'est encore une fois qu'elle crée des divisions au sein du parti, à un moment où il doit désespérément refaire son unité. Elle mine encore davantage le leadership de Pauline Marois, à un moment où toute l'attention et l'énergie doivent être consacrées à miner celui de Jean Charest. On a aussi parfois l'impression bizarre que Drainville a un agenda caché. Dans ses entrevues sur 98,5 FM avec Robert Dutrizac ou encore à Radio-Canada avec Anne-Marie Dussault, il ne cessait de faire référence à sa page web, comme s'il tentait de "mousser" sa propre image. Il me paraissait aussi plus ou moins sincère dans sa volonté de redonner le pouvoir au peuple. Drainville se voit-il calife à la place du calife? C'est une possibilité à considérer. Toujours est-il qu'on est ici dans le domaine des impressions, et attendons avant de prêter des intentions machiavéliques à l'homme.

D'ailleurs, aux dernières nouvelles, Pierre Curzi et Louise Beaudoin évoquaient la possibilité de revenir au PQ, jugeant les propositions de Drainville intéressantes. Pour les indépendantistes et les opposants à Jean Charest, j'espère que cela sera effectivement le cas.

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