Une publicité gouvernementale circule depuis quelques jours (semaines?) dans les médias. Elle vise à présenter le plan d'action économique des conservateurs fédéraux. La voici:
Je n'ai pu m'empêcher de pouffer de rire tellement cette publicité est grossière. Bien sûr, les conservateurs nous ont habitués à des discours démagogiques teintés de demi-vérités et d'arrogance. Comme je l'ai déjà écrit sur ce blogue, les conservateurs gouvernent depuis six ans en méprisant les institutions parlementaires. Le plus récent exemple est le dépôt d'un immense projet de loi budgétaire (omnibus) dans lequel trop de réformes sont présentées à la fois, le but étant de forcer les députés à tout adopter en bloc, sans qu'ils puissent modifier quoi que ce soit.
Dans cette publicité, les conservateurs tentent de nous faire croire qu'ils ont un plan d'action efficace en matière d'environnement. Or, s'il y a un domaine où le bilan des conservateurs est catastrophique, c'est bien en matière d'environnement. Quelques rappels:
- Les conservateurs ont refusé de renouveler le protocole de Kyoto dernièrement à Durban, allant même jusqu'à le qualifier de complot socialiste.
- Malgré son retrait de Kyoto, le gouvernement conservateur avait pris des engagements de réduction de gaz à effet de serre (moins ambitieux et surtout non-contraignants) à Copenhague, en 2009. Le commissaire à l'environnement a blâmé le gouvernement dans ce dossier, car il a été incapable de respecter ses propres cibles.
- Les processus d'évaluation environnementale des grand projets (miniers, routiers, nucléaires...) sont dorénavant confiés au ministère des Ressources naturelles (et non à l'Environnement). Il sera dorénavant possible d'imposer de plus lourdes amendes aux entrepreneurs polluants (la pub met l'accent là-dessus), mais la participation des groupes écologistes aux audiences publiques entourant ces projets sera limitée.
On le voit assez clairement. Les conservateurs ne font pas de l'environnement une priorité. Mais ils sont assez efficaces dans leurs efforts pour prendre des vessies pour des lanternes!
J'ai toujours adoré la littérature déjantée, dans laquelle l'auteur met en scène un personnage éclaté et poussé à l'excès. J'ai donc adoré les bouquins de Henry Miller, Charles Bukowski ou encore Bret Easton Ellis. Dans la même veine, j'ai récemment découvert Chuck Palahniuk, sur lequel j'ai d'ailleurs déjà écrit sur ce blogue. Dans Choke, Palahniuk raconte l'histoire d'un dépendant sexuel qui a une mère folle avec laquelle il tente de comprendre son enfance et son identité. La relation tordue qu'il a eu avec elle le pousse à avoir une conception très particulière - et choquante - des femmes. En voici une idée:
"Je veux dire par là, dans un monde sans Dieu, est-ce que ce ne sont pas les mères le nouveau dieu? La dernière position sacrée inexpugnable. La maternité n'est-elle pas le dernier miracle magique? Mais un miracle qui est inaccessible aux hommes.
Et peut-être bien que les hommes ont beau déclarer qu'ils sont heureux de ne donner naissance à personne, toute cette douleur et tout ce sang, mais c'est uniquement par dépit, comme les raisons verts de la fable, tellement c'est inaccessible. Il est sûr et certain que les hommes sont incapables de faire rien qui approcherait un tant soit peu quelque chose d'aussi incroyable. Torse puissant, pensée abstraite, phallus - tous les avantages dont les hommes paraissent jouir ne sont que des joujoux, rien d'autre. De la roupie de sansonnet. Vous ne pouvez même pas enfoncer un clou avec votre phallus.
Les femmes sont déjà nées tellement en avance sur le plan des capacités. Le jour où les hommes pourront donner naissance, c'est à ce moment là que nous pourrons commencer à parler d'égalité des droits."
Les feuilles se colorent, l’air est frais et il
s’embaume de l’odeur de la terre humide et des feuilles mortes. C’est
décidément l’automne; nous allons peut-être redevenir profonds.
Je n’ai en effet jamais compris pourquoi l’été
est souvent considéré comme la saison des lectures légères alors qu’il devrait
être la saison des œuvres volumineuses et denses. Pourquoi l’été devrait-il
être uniquement consacré à la chick lit,
à des romans mélodramatiques ou à des recueils de nouvelles alors que nous
avons tout le temps voulu pour lire et réfléchir ? Nous avons, pour la plupart,
au moins quelques semaines de vacances et l’actualité est peu palpitante et
totalement dépourvue de surprises : pendant une bonne partie de l’été 2012, la
grande question fut de savoir quand auraient lieu les prochaines élections au
Québec, on l’a finalement su et les journalistes n’avaient soudainement plus
rien à dire.
J’ai donc mis à profit ce temps de repos pour
lire le dernier roman de l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, Le Rêve du Celte, portant sur
l’aventurier et révolutionnaire irlandais Roger Casement (1864-1916). Après La Fête au Bouc et Le Paradis – un peu plus loin, c’est le troisième roman de Lllosa
consacré à des figures politiques, et lui-même a tenté sa chance en politique
en se présentant à l’élection présidentielle péruvienne de 1990, mais fut battu
par Alberto Fujimori, à l’époque très peu connu.
Roger Casement est très tôt attiré par
l’aventure et les voyages; il admire entre autres héros le journaliste et
explorateur britannique John Stanley qui commanda plusieurs expéditions en
Afrique. Pétri des idéaux colonialistes anglais, Casement va contribuer à
l’édification de l’État indépendant du Congo, qui n’a d’indépendant que le nom,
au profit du roi des Belges Léopold II. L’admiration de Casement pour
l’entreprise coloniale est telle que, avant son départ pour le Congo, son oncle
Edward remarque qu’il fait ses préparatifs de voyage« comme ces croisés qui au Moyen Âge partaient pour l’Orient libérer
Jérusalem. »Casement mettra environ huit ans
avant de perdre toutes ses illusions envers le projet de Léopold II qui a comme
but officiel de propager la foi chrétienne et de combattre l’esclavage que
subissent les tribus africaines du Congo au profit des trafiquants d’esclaves
de Zanzibar. En vérité, les Belges sont au Congo surtout pour une chose :
exploiter le caoutchouc, cet or noir nécessaire, entre autres, à la fabrication
des pneus.
Les tribus indigènes présentes au Congo constituaient
une main d’œuvre à bon marché pour les compagnies caoutchoutières; Casement
s’en rendit pleinement compte lors de son voyage au Congo en 1903, voyage qui
changea profondément sa vision du monde et le détermina à combattre le colonialisme
dont il avait pourtant été auparavant un ardent défenseur. Le rapport qu’il
rédigea en tant que consul de la Couronne britannique fut dévastateur :
Casement démontra hors de tout doute que les compagnies caoutchoutières étaient
coupables de crimes contre l’humanité au Congo. Viols, tortures et assassinats
contre les tribus africaines, auxquelles on demande d’aider les Blancs dans
leur exploitation des arbres caoutchoutiers, sont fréquents et ils demeurent dans
la très grande majorité des cas impunis. C’est lors de ce voyage « au cœur des
ténèbres » - l’expression est de l’écrivain Joseph Conrad que Casement rencontra
au Congo - que prend racine le nationalisme irlandais de Casement, qui était
auparavant un fier sujet de Sa Majesté. Il estime que la Grande-Bretagne a
imposé à sa chère Eire une langue et une culture qui ne sont pas la sienne;
certes la situation des Irlandais est plus enviable que celle des Africains du
Congo, mais ils n’en demeurent pas moins des êtres colonisés.
Cependant, Casement attendit encore quelques
années avant de prêcher une révolte contre la présence de la Couronne
britannique en Irlande, le temps pour lui de mener à bien une dernière campagne
contre une importante compagnie caoutchoutière, la Peruvian Amazon Compagny de
José Arana qui exploite tant et si bien les indigènes du Putumayo que ceux-ci
sont en voie d’extinction. Le travail humanitaire de Casement lui valut les éloges
de la presse britannique et de nombreuses sociétés anti-esclavagistes; le roi
George Vl’anoblit en 1911 en
reconnaissance de son œuvre exemplaire à titre de consul de la Grande-Bretagne.
Mais ironiquement c’est précisément au moment où la Couronne britannique le
couvre d’honneurs et d’éloges que Casement décida de se joindre à des groupes
nationalistes radicaux dont le but premier était l’indépendance de l’Irlande.
Le grand médite de Llosa est celui de ne pas
avoir succombé à la tentation d’écrire une hagiographie et, en parallèle au
travail humanitaire de son héros, l’auteur nous dévoile des bribes du journal
intime de Casement; celui-ci est truffé de descriptions d’aventures réelles ou
imaginaires de Casement avec les jeunes garçons qu’il a rencontrés dans ses voyages
au Congo et en Amazonie. L’auteur utilise abondamment la technique du
contrepoint et il fait habilement alterner les chapitres consacrés aux voyages
et au militantisme de Casement avec les chapitres décrivant les derniers
moments de son héros à la prison de Pentonville où il est enfermé après avoir
été reconnu coupable de haute trahison; les allers-retours continuels et
contrastés entre le passé héroïque de Casement et sa situation pitoyable en
prison mettent en relief les derniers jours tragiques de Casement alors qu’il
est abandonné par plusieurs de ses plus chers amis qui le considèrent comme un
traître et un pédophile.
Ce roman est une réussite, peut-être pas une
réussite aussi éclatante que celle de La
Tante Julia et le scribouillard, mais une réussite tout de même. Le brio de
Llosa est d’avoir éclairé la personnalité complexe et torturée de Casement dont
l’existence alterna entre l’ascèse et de brefs moments de sexualité débridée,
et qui voua une grande admiration pour la Grande-Bretagne dans sa jeunesse pour
ensuite la considérer comme une force oppressive dont l’Irlande devait se
débarrasser. Après avoir suivi le parcours de Casement, la citation de José
Enrique Rodó qui ouvre le roman de Llosa prend tout son sens : « Chacun de
nous est, successivement, non pas un, mais plusieurs. Et ces personnalités
successives, qui émergent les unes des autres, présentent le plus souvent entre
elles les contrastes les plus étranges et les plus saisissants. »
Barack Obama a-t-il déçu durant son premier mandat au pouvoir? C'est la question que plusieurs se posent à un mois de l'élection présidentielle de novembre.
Si la réponse ne fait pas de doute - oui, il a été décevant - les raisons pour expliquer cette déception sont plus difficiles à cerner. Deux me viennent spontanément à l'esprit.
Conjoncture et culture politique américaine
Lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2008, l'engouement autour de sa personnalité charismatique était impressionnant. Ses qualités de tribun, sa jeunesse et la couleur de sa peau avaient tout pour susciter les passions. Ajoutons à cela une course aux primaires démocrates parmi les plus longues de l'histoire politique américaine et dont le résultat ne pouvait être qu'une première: une femme (Hillary Clinton) ou un noir allait devenir candidat à la présidence.
Pour gagner l'élection contre son adversaire républicain John McCain, Obama avait su utiliser mieux que quiconque les nouvelles technologies de l'information. Il pouvait aussi compter sur la mobilisation hors-pair de sa base militante, de même que sur une cagnotte impressionnante: sa campagne de 2008 étant en effet devenue la plus dispendieuse de l'histoire américaine. Une fois la bataille contre McCain gagnée, Obama s'installait à la Maison Blanche dans un contexte difficile à plusieurs égards (crise économique, guerre en Irak, guerre en Afghanistan), mais favorable à d'autres puisque l'écoeurement à l'endroit de son prédécesseur George W. Bush était élevé.
En bon politicien, Obama avait tenté d'exploiter au mieux les difficultés liées à la conjoncture économique particulière de 2008, en misant sur des slogans comme "Yes we can" ou "Change we can believe in". Bien souvent, une crise (politique, économique, sociale) peut en effet devenir un élément positif dans le parcours d'un leader. Elle lui permet de jouer plus facilement la carte du rassembleur. Elle lui permet aussi de tabler sur le sentiment de découragement, voire de désespoir des électeurs. Plusieurs présidents ont acquis leur grandeur de cette manière: pensons à Abraham Lincoln avec la Guerre de Sécession, ou encore à Franklin D. Roosevelt et la crise économique de 1929.
Mais en 2008, la "balloune" d'espoirs gonflée par Obama était devenue tellement grosse qu'elle risquait à tout moment de lui éclater au visage. Aujourd'hui, nous en sommes-là. En 2008, Obama a fait une série de promesses qu'il a eu de la difficulté à remplir par la suite et on lui reproche donc son faible bilan.
Ce qui nous mène à un des paradoxes frappants de la culture politique américaine.
D'un côté, l'électeur moyen se méfie de l'élite politique et de toute intervention exagérée des autorités publiques dans sa vie. La culture du "self made-men" et du bon père de famille qui doit veiller sur ses proches par lui-même (pensons au 2e amendement de la Constitution) est toujours très forte aux États-Unis.
De l'autre, il semble que jamais dans l'histoire américaine n'a-t-on autant attendu et espéré de la part d'un président. J'ai parfois l'impression que les électeurs américains exigent l'impossible de leur chef d'État. Celui-ci devrait donc être en mesure de résoudre une crise économique de nature mondiale sur laquelle il a, somme toute, peu de contrôle. Il devrait être celui qui préserve le statut de superpuissance des États-Unis.
On oublie que même les grands présidents doivent leurs succès à une part d'impondérables (ce que Machiavel appelle la fortune). Ainsi, il n'est pas faux de prétendre que c'est le New Deal de Roosevelt (ce vaste de plans de réformes interventionnistes mis en place dans les années 1930) qui a contribué à résoudre la crise de 1929. Au final, c'est toutefois la Seconde Guerre mondiale qui a agit à la manière d'un électrochoc sur l'économie américaine.
Se pourrait-il que plusieurs électeurs américains vivent dans le déni? Ne devrait-on pas admettre que les États-Unis amorcent - depuis plusieurs années - une phase de déclin (voir là-dessus le formidable ouvrage de Paul Kennedy "Naissance et déclin des grandes puissances") qu'aucun président ne sera en mesure de stopper? Ce constat à l'esprit, peut-être jugerions-nous moins sévèrement le bilan des années Obama.
L'écart entre les promesses d'Obama et ses réformes
En 2008, les promesses furent nombreuses. Plusieurs d'entre-elles ont été tenues. La plus importante est certainement celle de mettre en place une couverture de soins de santé universelle. Même s'il a dû édulcorer passablement sa réforme, il n'en demeure pas moins que les Américains doivent aujourd'hui obligatoirement contracter une assurance-maladie. En contre-partie, les compagnies d'assurances sont assujetties à de nouvelles règles, notamment l'impossibilité de refuser une assurance à un client pour des raisons de santé. En matière de santé, Obama a aussi respecté sa promesse d'autoriser à nouveau la recherche sur les cellules souches (interdite par Bush).
En matière de politique étrangère, Obama avait promis de retirer les troupes d'Irak, de réduire le contingent de soldats en Afghanistan et de continuer la chasse à Oussama Ben Laden. De ce côté, il a livré la marchandise. Par contre, les négociations de paix israélo-palestiniennes sont au point mort et Obama n'a pas doublé l'aide des États-Unis aux pays étrangers.
En matière économique, rappelons-nous que c'est Obama qui a mis sur pied un vaste plan de sauvetage - réclamé à grands cris- de l'industrie automobile (GM, Chrysler), sauvant par-là des milliers d'emplois. Ce ne fut toutefois pas suffisant pour maintenir le taux de chômage en deçà de 8%, une autre de ses promesses. Obama a aussi renouvelé les baisses d'impôts pour les faibles revenus, mais n'a pas haussé ceux des plus riches (en fait, il a prolongé leurs exemptions fiscales). Enfin, la réforme des institutions financières (Wall Street) fut partielle. Les règlementations ont été resserrées avec la loi Dodd-Frank, mais la mise en application de cette loi se fait au ralenti.
Bien sûr, la grande question est de savoir dans quelle mesure Barack Obama est-il responsable de n'avoir pu réaliser plusieurs de ses promesses. Faisant face à une majorité républicaine au Congrès, ses adversaires ont tout fait pour l'empêcher de réaliser quoi que ce soit de substantiel. Rappelez-vous que le Congrès avait, entre autres, attendu jusqu'à la toute dernière minute pour rehausser le plafond de la dette américaine, une mesure qui était pourtant indispensable.
C'est là la grandeur et la misère du système politique américain. En vertu du principe du Checks and Balances, les pouvoirs du président sont très encadrés par ceux du Congrès. L'avantage, c'est qu'il est difficile pour un président américain d'abuser de ses fonctions. Le désavantage, c'est qu'il devient parfois impossible de mettre en place des réformes ambitieuses.
Il ne faut donc pas négliger l'immense responsabilité des républicains dans les difficultés qu'éprouvent les États-Unis en ce moment. Non seulement n'ont-ils offert aucune collaboration à Barack Obama au cours de ses quatre années au pouvoir, rappelons-nous aussi à quel point les républicains de George W. Bush ont laissé à Barack Obama un déficit monstre à son arrivée au pouvoir.
Les chances de réélection de Barack Obama ne sont certes pas assurées. En fait, depuis 1945, aucun président n'a été réélu avec un taux de chômage supérieur à 8%. Obama fera-t-il encore l'histoire? On le verra bien.
Au final, je crois toutefois que le positionnement trop à droite de Mitt Romney jouera en sa défaveur. Ses déclarations sur le fait que 47% des Américains seraient des assistés sociaux vivant au crochet de l'État le rattraperont, de même que ses liens passés avec le fonds d'investissement Bain Capital.
Dans le débat présidentiel de mercredi soir, plusieurs se sont d'ailleurs demandé pourquoi Obama n'avait pas exploité ces histoires. À mon sens, la réponse est simple: Obama ne voulait pas dégager une image d'arrogance et il se garde des munitions pour les deux autres débats qui doivent encore être tenus dans les prochaines semaines.
Ma prédiction, c'est que cet uppercut sera livré dans le troisième et dernier round!
Voici un extrait du premier débat, sur le thème du rôle de l'État dans l'économie.