jeudi 6 septembre 2012

Post-mortem électoral

Félix-Olivier Riendeau

Comme plusieurs d'entre-vous, je me sens malade depuis deux jours. C'est un dur lendemain électoral.

L'attentat du Métropolis

D'abord, en raison de l'attentat troublant du Métropolis qui visait Pauline Marois et qui a causé la mort d'un homme. Les conséquences de l'attentat auraient pu être encore pires et je n'ose les imaginer. On a vite interprété cette attaque comme un geste antinationaliste, car le principal suspect, Richard Henry Bain, a affirmé au moment de son arrestation que c'était le "payback time" pour les anglophones. D'autres ont aussi fait ressortir le côté misogyne de l'homme. Pour sa part, Pauline Marois a préféré, sagement, qualifier ce geste de cas isolé.

Il est toujours hasardeux de chercher à interpréter un geste à prime abord si incompréhensible. Losqu'une tuerie à l'arme automatique se produit aux États-Unis par exemple, il y a toujours des parents qui cherchent des explications du côté de Marylin Manson, des jeux vidéos ou des séries télés comme "Dexter". Ce genre d'interprétation est trop rapide, incomplet et stérile.

Je me méfie donc de ce type d'analyse dans le cas de l'attentat du Métropolis. Reste qu'en raison de la déclaration de Bain, il est en effet tentant de voir là un geste de représailles envers une figure souverainiste. Durant la campagne, combien de fois ais-je entendu des intervenants (dans les médias ou dans les réseaux sociaux et ce, même du côté francophone), associer le Parti québécois à un parti autoritaire - voire raciste- en raison notamment de sa promesse de resserrer les dispositions de la loi 101 au cégep. Qu'on soit d'accord ou non avec cette idée, faire du PQ un parti autoritaire est une grossièreté qui me met constamment mal à l'aise. En 1977, au moment de l'adoption de la loi 101, ce genre de critique était monnaie courante. Pourtant, il y a aujourd'hui un consensus assez fort sur le fait que la loi 101 a été cruciale pour la santé du français au Québec. Le Québec n'est jamais devenu un État fasciste entre temps.

Comprenez-moi bien. Je ne cherche pas à faire porter la responsabilité du geste de Bain à une autre personne que lui-même. Toujours est-il que le contexte social et politique ne peut pas non plus être complètement ignoré. Aux États-Unis, le manque de contrôle sur les armes à feu est donc un facteur d'explication dans des fusillades comme celle du Colorado en juillet 2012.  Dans le cas de l'attentat au Métropolis, l'inflation verbale et les attaques exagérées à l'endroit du PQ ont certes contribué à créer un climat de peur malsain pour la démocratie. Les tensions liées au conflit étudiant y sont peut-être aussi pour quelque chose.


Plus globalement, je n'ai pu m'empêcher d'avoir une pensée pour tous les politiciens en général, qui exerçent un métier plus difficile qu'on l'imagine parfois. Ceux-ci sont très souvent critiqués et vilipendés (des critiques parfois fondées, difficile de ne pas en convenir), même si plusieurs d'entres-eux font d'énormes sacrifices au service du bien commun. Parmi les nombreux exemples, rappelons le cas récent de Nicolas Girard, ancien député du PQ dans Gouin, qui a reçu de nombreuses menaces et qui a été victime de vandalisme en raison de son acharnement à dénoncer le scandale libéral des garderies. Rarement le travail des politiciens est-il louangé, alors qu'ils exercent une fonction que peu sont intéressés à remplir. J'en profite donc pour souligner le travail remarquable d'une bonne partie d'entre eux.

L'élection du PQ

Le malheur de l'attentat du Métropolis, c'est aussi qu'il a jeté un voile sur des éléments plus réjouissants de cette élection, en l'occurrence l'élection d'une femme à la tête de l'exécutif, une première dans l'histoire québécoise. Par ailleurs, j'étais heureux de voir Léo-Bureau Blouin être élu à Laval-des-Rapides; il devient pour sa part le plus jeune député à faire son entrée à l'Assemblée nationale et sera un modèle inspirant pour sa génération.

Ceux qui suivent de près mon blogue auront remarqué que je me suis donc trompé dans mes prédictions électorales.

Comme tout le monde, j'ai été surpris par la résilience du Parti libéral (50 sièges!), même si je m'attendais à ce que le parti demeure dans l'opposition officielle. Il faut croire que le PLQ a réussi à préserver un assez haut niveau d'appui chez les francophones (bien au-delà des 19% d'intentions de vote annoncées) et que la CAQ a fait davantage de dommage au PQ qu'au PLQ. Moi qui croyais qu'une partie importante de l'électorat anglophone allait se tourner vers la CAQ (en raison de la conversion fédéraliste de Legault), force est de constater qu'il est demeuré fidèle au Parti libéral. Comme toujours, la peur d'une majorité péquiste et d'un référendum sur la souveraineté l'aura incité à demeurer dans le giron libéral.

En situation minoritaire, la marge de manoeuvre de Pauline Marois ne sera pas inexistante. On sait bien que ni le PLQ (qui se cherche un chef suite au départ de Jean Charest), ni la CAQ (qui devra réévaluer sa stratégie électorale compte tenu de sa performance décevante), ne seront prêts à repartir en élection dans la prochaine année. À court terme, on peut donc s'attendre à ce que Pauline Marois annule la hausse annoncée des frais de scolarité et la loi 12. Contrairement à ce que l'on croit parfois, un vote en chambre n'est pas nécessaire pour aller de l'avant dans ces dossiers. Pauline Marois l'a confirmé elle-même hier en expliquant qu'elle procéderait par décret. L'abolition de la taxe santé de 400$ devrait aussi être une formalité, car la CAQ s'est montrée favorable à cette idée.

En ce qui concerne le dossier de la loi 101, je ne vois pas comment le PQ pourra aller de l'avant avec son idée de l'appliquer au milieu collégial. Le PQ devra nécessairement tempérer ses ambitions. En édulcorant son projet, peut-être réussira-t-il toutefois à resserrer l'application de la loi 101 sur les petites entreprises.

Si le PQ parvient à adopter des mesures législatives intéressantes et à gouverner de manière rassembleuse, peut-être aura-t-il le temps d'accroître ses appuis et préparer le terrain pour les prochaines élections.

Une stratégie intéressante - mais audacieuse - qu'il pourrait adopter est la suivante: pourquoi ne pas proposer la tenue d'un référendum.... sur la réforme du mode de scrutin! Même si je sais que Pauline Marois est défavorable à une telle idée (tout comme le sont malheureusement plusieurs souverainistes), je crois qu'elle devrait tout de même la considérer.

D'abord, en tenant un référendum sur autre chose que la souveraineté, Marois acclimaterait l'électorat à ce type de consultation. Qui sait? Il pourrait en venir à en apprécier les vertus et à en réclamer davantage. Ensuite, la tenue d'un référendum forcerait la CAQ et le PLQ (en vertu de la loi sur les consultations populaires qui oblige les députés à se prononcer pour le OUI ou pour le NON) à se positionner sur la réforme, dont on sait qu'ils ne veulent pas. Le PQ devrait évidemment se montrer en faveur.

Si la réforme est adoptée par le peuple, le PQ retrouve son image de parti véritablement progressiste et devrait être en mesure de rallier une grande partie de l'électorat de gauche qui l'a quitté dans les dernières années. Si le projet n'est pas adopté, la question de la réforme du mode de scrutin est reléguée aux oubliettes pour les trentes prochaines années et le PQ aura au moins eu le mérite d'avoir laisser la chance à la population de se prononcer sur le sujet.

Cette idée est certes audacieuse, mais tous s'entendent pour dire que le PQ a besoin d'une sérieuse redéfinition. En étant incapable de profiter davantage des difficultés du Parti libéral lors du dernier scrutin, il a confirmé que son électorat s'effritait dangereusement.

Maintenant au pouvoir, le PQ a tous les outils nécessaires pour retrouver ses lettres de noblesse. Reste à savoir si Pauline Marois et son équipe seront à la hauteur...








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire